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Odyssée, dernier chant

mise en scène Pascale Siméon

: Présentation

Genèse d’un projet


Il y a maintenant dix ans en 1996, je réalisais ma première mise en scène : L’Homme clos de Jean-Pierre Siméon, mon frère. Ce premier texte théâtral de Jean-Pierre, écrit pour Xavier Guittet, écrit de la main d'un poète et non d'un "auteur" avait du mal à trouver acquéreur. Je m’en emparais en toute inconscience, sans savoir que la tyrannie de la mise en scène, ce besoin de rencontrer des textes et de les porter de bout en bout pour les offrir au regard du public, s’était insinué en moi pour toujours. Ce fut une réussite et un plaisir de tout instant. Nous découvrions, Jean-Pierre, sa parole poétique devenir parole de théâtre par le mystère de l'incarnation, et moi-même les images mouvantes de mes rêves prendre corps avec la complicité de mes collaborateurs, (Julia Grand aux lumières en particulier). Le hasard, ce grand ordonnateur de la vie, fit que Jean-pierre rencontra Chistian Schiaretti, avec lequel travaillait aussi Julia Grand depuis quelques temps. La nécessité d’une collaboration profonde sur le bonheur d’entendre une langue forte et poétique les ont soudés et les voici ensemble au TNP où ils continuent de travailler dans cette voie. De mon côté mon désir était de découvrir d’autres mondes, et je me suis élancé vers des œuvres pour la plupart inconnues du public, dont le propos et les formes déconcertantes étaient un enjeu extrêmement stimulant pour mon travail de création.
Seulement, nous nous étions toujours promis de nous retrouver, car cette voix fraternelle ne résonne en moi comme aucune autre. Il y a ce lien intime, La Famille ! , notre père poète à qui nous devons tant de choses et la vie que nous avons partagée. Ces attaches me rendent nécessaire cette rencontre aujourd’hui. Un cycle se termine et je suis heureuse de pouvoir retravailler sur un inédit de Jean-Pierre écrit particulièrement pour Xavier Guittet. Christian Schiaretti a aimablement accepté que "l’auteur associé " au TNP face une incartade familiale et j’en suis touchée.




La pièce


Quelques années se sont passées depuis le retour d'Ulysse à Ithaque. Il a repris le pouvoir politique de son pays, et le temps des questions est venu après ces années de Paix. Pour savoir et comprendre ce monde plus étranger à lui que celui des guerres et de l'action, Ulysse reprend son voyage et se rend aux Enfers. Il vient consulter Tirésias pour connaître l’avenir d’Ithaque, mais aussi pour savoir si Pénélope le trompe. Par malheur, il a bu l’eau de l’Achéron, le fleuve des morts, et le froid de la mort s’empare de lui. Il rencontre une jeune femme, une ombre, lien mystérieux entre les deux mondes : celui des vivants et des morts. Avec la complicité d’Euméos le douanier des âmes elle aidera et guidera Ulysse dans sa quête.


Réapprendre le murmure des fontaines…
Jean-Pierre Siméon, dans grande la tradition théâtral, s’empare d’un héros mythique pour raconter une histoire d’aujourd’hui. Ulysse, tout le monde le connaît, est l’homme du cheval de Troie le grand vainqueur d’une guerre sans merci mais aussi le chef puni par les dieux qui a subit tant d’épreuves. Il a suffisamment souffert pour mériter son retour et la paix intérieure, le bonheur peut-être ? De retour d’un enfer, dix ans de guerre-dix ans d’errances, le voici qui se précipite vers un autre enfer, celui du Dieu Hadès. Il n’a pas peur après avoir affronté tant de dangers de descendre dans ce lieu. Seul la quête de son avenir le trouble l'obsède au point dans endroit interdit aux mortels.
Arrivé à la maturité après une vie trépidante, pourquoi ne peut-il rester paisible ? Pendant vingt ans, son esprit était occupé par l’urgence de la survie, pas question d’entendre autre chose que le chaos des armes, de prendre plaisir aux beautés de ce monde tant que l’excitation d’accéder à la victoire le faisait vivre. A présent c’est autre chose. Le temps s’est arrêté. Il n’est pas si facile de se réhabituer "aux murmures des fontaines". Le fracas des armes résonne encore à son oreille et la violence des champs de bataille a épuisé sa capacité à retourner à la ritualité des jours qui ont un lendemain. L’angoisse s’empare d’Ulysse qui ne comprend plus le jeu du pouvoir. Et puis il y a Pénélope… qui n’aime pas cet Ulysse mais celui qu ‘elle a connu il y a vingt ans, celui qui n’avait pas encore tué de ses propres mains. Que faire, que devenir ? Alors homme politique de peu de choses, il s’adresse aux devins dans l’espoir qu’une réponse existe.


« Qu’est-ce qu’il vient faire ici ?


Le chœur
Comme tous les autres
Comme tous ceux des vivants
Qui ont peur de leur vie
Seulement parler aux morts »


Quelle est cette tragédie que vit Ulysse ? Celle de tout homme qui, en pleine possession de ses moyens et de sa « gloire », s’arrête pour regarder et comprendre. Le monde d’Ulysse est le notre, emplie de guerre et de désarroi. Les puissants dans les palais jouent au jeu dangereux de la séduction. C'est le temps des promesses et des trahisons pour se hisser toujours plus haut sous prétexte de s’occuper d’un peuple dont ils ne connaissent pas le visage, " cette autre guerre invisible et lâche ".
Comment réagir ? Comment se sauver de ce désespoir qui grignote chaque minute notre plaisir de vivre, comme l’eau de l’Achéron empoisonne lentement Ulysse ? Simplement en prenant conscience de notre mort, d'accepter de faire ce voyage initiatique du désespoir total qui peut permettre au bord du gouffre de sentir le bonheur de vivre.


Ulysse
Mais je marche je vis je respire


Le choeur
Voilà c’est ça tu as compris
Un pas un souffle : la vie
Ramenée à son rythme essentiel
Tout le reste n’est q’ornements
Verroterie et colifichets de la putain


Il suffit de renoncer à l’ambition et à la réussite pour accéder à la beauté, réapprendre que "la vie n'est que ça douceur sans cause", ce sentiment impalpable, le mystère de l’humain : savoir être un homme tout simplement.


Que dire de plus ? Rien. La langue limpide de Jean-Pierre Siméon n’a pas besoin d’exégèse. Elle est directe, vigoureuse. Si la forme peut faire peur à certains, qu’ils fassent confiance au rythme du verbe et à la chair de l’acteur ! Car cette parole est faite pour être incarnée. Plus on la goûte, plus elle prend son ampleur et son sens. Comment la dire ? Sans prétention et sans détour : elle est à mâcher à pleine bouche, alors toute sa saveur et sa sensualité se révèlent. Surtout ne pas penser que l’auteur est poète ! Cela ne veut rien dire, car le propre même de la grande écriture n’est pas de mettre le lecteur en adoration respectueuse mais de l’émouvoir à bras le corps. Le poème n’est pas une forme, c’est la vie elle-même. Chaque mot prononcé doit l’être avec un plaisir sensuel. Que l’acteur ose l’irrespect en s’imprégnant de la musique des mots et ainsi le texte se fera tour à tour vague mugissante, cascade éplorée, et « murmure des fontaines ».


Pascale Siméon

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