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Nalia, la nuit

+ d'infos sur le texte de Eudes Labrusse
mise en scène Jérôme Imard

: Présentation

La fable



Un jeune homme attaché et enfermé dans une cave, dont on n’entend, dans le noir, que la voix intérieure. Il essaie de se souvenir, de comprendre. Pourquoi se retrouve-t-il là ? Que lui est-il arrivé ?
Une jeune fille, seule, qui erre comme un fantôme à travers les couloirs d’une tour abandonnée dans une cité de banlieue, promise à la destruction. Elle ne veut pas la quitter. Ses parents viennent d’un pays du Sud qu’elle n’a jamais connu, et ses racines, c’est dans cette tour de béton qu’elle les a inventées.
Plus tard, loin de là, un homme et une femme qui boivent jusqu’à l’écoeurement du mauvais whisky dans un taudis. Noyés dans cette soif qui est sans doute avant tout une soif d’amour, ils cherchent à deviner ce qui est arrivé aux deux autres, quand, disparus sans laisser de traces, ils leur ont laissé le cœur en friche.


Par bribes, peu à peu, le destin des quatre personnages s’imbrique et se dessine dans une sorte de huis-clos psychologique et de suspens poétique. C’est alors une réflexion sur la vie dans les cités, sur l’enfermement de la jeunesse qu’elle suppose, sur l’exil et la nostalgie, mais aussi sur l’amour impossible qui apparaît au spectateur tandis qu’il recompose les morceaux de ce puzzle aux allures de tragédie contemporaine.



Ce texte a été écrit à l’occasion d’une résidence d’écriture à La Ruche Sony Labou Tansi, organisée par l’association Ecritures Vagabondes, le Centre Dramatique National des Pays de la Loire (Angers) et l’association BlonBa (Bamako, décembre 2002).




Les enjeux de la création : un travail de terrain avec des jeunes de Mantes-la-Jolie


Une création en cohérence avec un travail de sensibilisation sur le terrain mené depuis toujours par la compagnie


La pièce sera créée avec quatre jeunes de Mantes-la-Jolie, qui suivent les Ateliers du Théâtre du Mantois depuis plusieurs années. Ce projet s’inscrit ainsi dans la cohérence de travail sur le terrain mené depuis toujours par la compagnie – qui sensibilise chaque année des centaines de jeunes, ou moins jeunes, à travers une vingtaine d’ateliers de pratique organisés régulièrement dans l’ensemble du bassin de vie.


L’Atelier Libre du Théâtre du Mantois : un atelier atypique qui permet un suivi des jeunes qui ont participé à des actions de sensibilisation


Depuis quatre ans, le Théâtre du Mantois a imaginé un « Atelier Libre », qui permet à des jeunes ayant fréquenté un de ces ateliers de continuer l’aventure après avoir quitté le cadre, scolaire ou associatif, dans lequel ils participaient à l’atelier. C’est un véritable petit réseau de passionnés que la compagnie a ainsi réussi à créer sur le terrain. Cet « Atelier libre » est activé au coup par coup sur des projets particuliers, concernant chaque fois un ou plusieurs de ces jeunes dont la compagnie suit le parcours ; les projets mêlent parfois ces jeunes à des comédiens professionnels pour mettre en œuvre des spectacles, des lectures, des formes diverses d’interventions etc.


Les jeunes de l’Atelier libre concernés par Nalia, la nuit


Sami Bouhia a démarré les ateliers dans le cadre d’un APA au collège dès son entrée en 6e, à 11 ans, il y a déjà une dizaine d’années : il a continué des ateliers avec la compagnie pendant toute sa scolarité puis s’est impliqué dans des projets de l’Atelier libre. Il est aujourd’hui en première année de faculté à Paris.


Benoît Fasquel a rejoint un atelier en collège à 13 ans. Il a arrêté les études après la 3e, mais a participé à l’ensemble des réalisations de l’Atelier libre depuis. Il travaille aujourd’hui comme serveur dans des cafés de Mantes-la-Jolie. Delphine Grégé a rejoint un atelier en collège à 13 ans, et après son entrée au lycée a participé à plusieurs spectacles de l’Atelier Libre. Après le bac et une première année de faculté, elle a arrêté provisoirement ses études et est caissière dans un supermarché de Mantes.


Myriam Douaif a suivi un APA au collège en 2003, alors qu’elle était en 3e avec deux années de retard. Elle a participé à une suele réalisation de l’Atelier libre. Elle est aujourd’hui en apprentissage par alternance (vente).


Ils ont chacun une vingtaine d’années.


Un approfondissement du travail : une création dont le propos même permet de mêler les jeunes à un encadrement professionnel


La création de Nalia, la nuit semblait convenir particulièrement à une continuité du travail mené avec ces jeunes, dont les âges correspondent aux rôles, notamment au travers du propos de la pièce : réflexion sur l’univers de la banlieue et sur la confrontation de la jeunesse à cet univers. Mais cette création sera aussi l’occasion d’un approfondissement de ce travail : avec un encadrement professionnel (metteurs en scène, créateur lumières et vidéo, costumier et scénographe, musicienne etc.), une programmation du spectacle dans la saison culturelle de La Nacelle (salle dont la compagnie assure la direction artistique), une mise en valeur et une exigence de la création, ce spectacle s’inscrit à plein dans le projet artistique de la compagnie et permet d’offrir aux jeunes concernés une réelle reconnaissance de leur travail. La démarche de création rejoint alors le fond du propos de la pièce.




La mise en scène : une « tragédie » contemporaine


Un traitement rythmique de l’espace


Trois univers distincts s’imbriquent dans le texte : celui de la cave où est enfermé l’homme dont on entend la voix, celui des couloirs abandonnés et fantomatiques de la tour dans lesquels erre Nalia, celui de l’hôtel meublé où Camil et Arlène cherchent à savoir.
La mise en scène propose un traitement ryhtmique de l’espace pour faire alterner dynamiquement ces trois univers.


Par la lumière d’abord, qui, dans une atmosphère générale nécesairement nocturne, permet de scander les apparitions de chaque personnage à des endroits stratégiques et variés du plateau, et détermine pour chaque groupe des contours sensibles : la pénombre où le corps attaché se devine à peine, les lueurs spectrales de l’errance, les dérives blafardes de l’alcool. La lumière porte également les sensations des scènes finales avec l’explosion de la tour dans un éclatement violent de couleurs ou l’arrivée de l’aube, glacée certes, mais neuve.
Par la scénographie ensuite, qui accentue ces effets de rythme par des dynamiques de niveaux : conçue en fonctions de hauteurs rappelant naturellement celles des grands ensembles, elle fait alterner sur le plateau les apparitions au sol ou en hauteur (élévation ou enfouissement), et accentue le sentiment de vertige psychologique qui s’empare des personnages.


Ces variations rythmiques conduisent ainsi en quelque sorte à reconstituer ici et là sur le plateau les pièces d’un puzzle spatial symbolique de l’écriture fragmentée et à porter physiquement la progression dramatique de l’intrigue.



Un traitement scénique du conflit d’identité par la scénographie et la vidéo


Si la scénographie, par son traitement en niveaux et par l’univers de fer et de béton qu’elle recrée, rend sensible l’espace urbain et occidental qui caractérise le quotidien des personnages, le plateau s’attache aussi à évoquer le monde fantasmatique des origines maghrébines de Nalia et de son frère.
Dans sa tour, la jeune fille recrée un univers inconnu qui s’empare peu à peu de la scène au fur et à mesure de son errance, et le jeune homme garde dans sa chambre les éléments d’une magie que la vie dans la cité n’a pas réussi à faire oublier à sa mère.


Par la lumière, les costumes, les accessoires, le son, mais aussi un travail de fond sur la projection d’images vidéo, ce monde des racines incertaines est ainsi toujours prêt à faire irruption sur la scène et à traduire matériellement le conflit d’identité qui sous-tend la pièce.



Un traitement musical du texte et des corps


Les effets de dynamique spatiale évoqués plus haut s’accompagnent d’un traitement rythmique également du texte et des corps.


Chacun des trois univers trouve ainsi sa musicalité propre dans une sorte de profération qui, sans oblitérer la réalité crue dans laquelle s’ancre le texte, met en avant sa poétique et ses cadences, comme dans un oratorio. Un accompagnement à la clarinette basse, qui parfois porte les scènes ou sert de liens entre elles, renforce cette volonté de traitement musical du texte.
Un travail corporel et chorégraphique du jeu et du mouvement enfin donne son unité, entre corps et voix, à ce traitement musical ; ce traitement permet d’aborder les thématiques très actuelles de la pièce en décalant insensiblement et dramatiquement l’effet de réel.



Il s’agit ainsi, par ce travail sur la musicalité des mots et des corps, de traiter la pièce en se souvenant des ressorts du théâtre grec, pour en faire une véritable « tragédie » contemporaine.

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