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Monsieur Kolpert


: Présentation

Nous nous trouvons dans l'appartement de Sarah et de Ralf, trentenaires bobos, aussi gais que désenchantés. Ils ont invité leurs amis Bastian et Édith à dîner. Leurs amis, cela signifie ici de simples connaissances ; à diner, c'est à dire se faire livrer des pizzas à domicile. Les dialogues qui occuperont la soirée sont à l'image des quatre protagonistes : légers, creux, superficiels. Pourtant, sous cette apparente vacuité, c'est toute la détresse d'une société en mal de sens qui se dessine sous nos yeux. Sarah et Ralf s'ennuient mortellement. Ils ne savent plus s'ils ont encore des émotions, ils en viennent à douter de leur humanité. Ils semblent avoir perdu tout contact avec le réel et avec la vie. De cette perte de repères nait l'idée folle de commettre un meurtre. A la recherche du frisson ultime, qu'enfin « quelque chose se passe ».


Quand le réel devient une notion purement subjective, absurde, quoi de plus tangible que la mort ? Sarah et Ralf commettront donc un meurtre dans le but de retrouver un peu de vie. Ils entraineront Bastian et Édith dans leur jeu macabre.
A travers ce jeu où la vérité se cache derrière la simple plaisanterie, le cynisme poussé à son paroxysme révèle sa vraie nature : il n'est que désillusion et désespoir. La recherche éperdue du divertissement est une vaine tentative qui s'achèvera dans un bain de sang. C'est dans le décalage entre cette situation profondément tragique et la légèreté de ton des dialogues que naît ici la comédie.


Car, malgré le portrait tragique d'une société malade, le texte de David Gieselmann est bien une comédie : suspens, quiproquo, rythme endiablé, nous retrouvons tous les éléments du boulevard. A un détail près: ici, l'amant dans le placard est remplacé par un cadavre.


Il était très important de conserver les deux dimensions de cette pièce, d'allier une forme comique avec les codes qu'elle impose, à la critique d'un mode de vie individualiste, utilitariste et désincarné. Dans la pièce, toute la violence soigneusement camouflée et habituellement contenue implose.


Le quotidien est saturé d’images violentes, de plus en plus violentes, qu’elles soient réelles ou issues de la fiction. Il semble même de plus en plus difficile de les différencier. Nous sommes d'ailleurs presque immunisés. Plutôt que de participer à cette surenchère, il s'agit d'en montrer l'absurdité. Dans ce spectacle, il n’y a plus de sang, il y a du ketchup. Il n'est pas question de “l’image violente” en tant qu’objet, mais de la fureur du sujet qui commet cette violence. Pour cela, il faut jouer, pleinement, comme des enfants, avec engagement, innocence, et surtout, sans jugement.


Cette pièce permet aussi de rire, de se libérer de ce réel qui souvent emprisonne et angoisse. Le plateau de théâtre donne la possibilité de raconter autrement, de substituer d'autres images à celles du réel, afin de redonner leurs places à l'imaginaire comme à la pensée.


La pièce s'inspire du film « la corde », d'Alfred Hitchcock où la question est de savoir si l'on appartient à la catégorie des « surhommes », à l'élite, et si cela autorise à tuer ceux que l'on estime inutiles. Depuis Hitchcock, la problématique s'est déplacée. Sarah et Ralf jugent sans pudeur qu'il y a des gens « profondément inutiles », c'est à dire banals, qui sont destinés à être les victimes sacrifiées à leur quête du réel. Reste à savoir si le meurtre aura le résultat escompté...

Alix F. Pittaluga

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