« Ton château pleure ! Ton château pleure ! » Le mystère des larmes est posé dès l’ouverture de l’opéra par Judith, la nouvelle femme de Barbe-Bleue dans le livret hongrois de Belá Balazs, adapté du célèbre conte de Charles Perrault. La jeune femme ne sait quoi faire de cette émotion qui émane de Barbe-bleue, pas plus qu’elle ne saura déchiffrer le spectacle du lac de larmes qui se présente à elle quelques scènes plus tard. Elle fonce tête baissée et fait ouvrir toutes les portes du château, représentations de l’âme tourmentée de son mari, jusqu’à l’irréparable… Mathieu Bauer s’empare de cette incompréhension et de sa propre fascination de musicien pour cet opéra sous une forme épurée pour une comédienne et un musicien qui se déroulerait des années après les faits. Enfermée derrière la septième porte du château, Judith mène l’enquête et refait le scénario : pourquoi cette émotion ? Que cache Barbe-Bleue aux yeux du monde ? Quels sont ces armes, ce sang et ces paysages mélancoliques qui se cachent derrière les portes du château ? Déroulant le fil de son histoire, et reparcourant les scènes de l’opéra, Judith ouvre une réflexion sur l’Histoire, décortique les subtilités musicologiques de l’opéra de Bartok et construit une archéologie visuelle et auditive de nos larmes. Le spectacle rencontre alors la pensée énergique de George Didi-Huberman pour qui les émotions, loin d’être le signe d’une incapacité à agir, sont aussi et surtout des puissances de transformation !