Dans ce récit datant de 1926, Maurice Maeterlinck se donne comme projet de nous décrire le monde souterrain des termites. Des insectes qui mesurent aux alentours d’un centimètre, qui sont aveugles, qui sont sans ailes, qui « naissent, vivent et meurent sans voir la lumière du jour ». Mus par une force invisible, ils survivent pourtant depuis des millénaires et comptent parmi les plus féroces occupants de ce globe. En allant voir comment ils se nourrissent, se logent, se protègent, se reproduisent, Maeterlinck interroge alors les paradoxes de cette existence, où le génie de l’espèce semble avoir comme nécessaire corollaire l’écrasement de chaque individu.

« On a foi dans mes drames à d’énormes puissances, invisibles et fatales, dont nul ne sait les intentions, mais que l’esprit du drame suppose malveillantes, attentives à toutes nos actions, hostiles au sourire, à la vie, à la paix, au bonheur." Cette préface pour son théâtre peut s’appliquer ici, car en plongeant dans le monde des termites, c’est bien cette puissance occulte, insaisissable que Maeterlinck traque encore. Une puissance qui nous gouverne tout autant, nous les hommes, décidant avec une même hégémonie du fonctionnement de nos organes, de l'organisation de nos sociétés ou de nos destinées individuelles. A mesure que leur vie souterraine nous devient familière, gageons que la nôtre deviendra source de mystère et d'inquiétude.