Nacera Belaza est une figure à part dans l’art chorégraphique. Autodidacte, circulant entre les deux rives de la Méditerranée, elle poursuit patiemment une recherche singulière faite d’exigence et d’ouverture : exigence dans le dépouillement, dans l’attention à l’infime et au geste nécessaire ; écoute du corps et cheminement intérieur qui mène à l’accueil de l’autre en soi. Le mouvement des chorégraphies de Nacera Beleza, précis et répétitif, impressionne plus qu’il ne montre quelque chose. Le corps disparaît, enveloppé dans des vêtements amples et neutres, au profit d’une présence en vibration ouverte à ce qui le traverse, concentration d’une énergie hypnotique, calme et mystérieuse.

La Nuit, La Traversée suivis de Sur le fil composent un parcours à travers cette danse minimaliste, sensuelle et spirituelle, passant du solo, au trio puis au quatuor, explorant par trois fois un même lâcher-prise lancinant qui déjoue la solitude existentielle. Partir de la solitude, justement, dans La Nuit, comme présence première et essentielle pour "rester poreuse à son environnement et pouvoir accueillir le monde en soi". La Traversée ouvre cette quête de l’imperceptible à quatre interprètes aimantés les uns aux autres, esquisse d’une nouvelle nouba portée par une mémoire des rythmes et des pas d’antique tradition. Sur le fil enfin, suspendu entre visible et invisible, entre transcendance et immanence, trio vif, libre et insoumis amenant interprètes et spectateurs là où "on accepte de ne plus savoir", porté par une bandeson fascinante qui évoque autant l’adolescence, le rêve que la prière soufie.