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La Fête étrange


: Présentation

Fantaisie dramatique en un prologue cinq tableaux d’après Le Grand Meaulnes, les manuscrits et les lettres d’Alain-Fournier


Le pays que vous avez découvert dans le secret de votre cœur, je l’ai cherché longtemps et vainement sur la terre. (Miracles)


Depuis longtemps je pense à ce roman lu enfant, qui m’a marqué comme il a marqué chaque lecteur depuis un siècle. Et en évoquant Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, la fête des fiançailles de Frantz m’apparaît souvent comme un de mes propres souvenirs d’enfance. Sans doute parce que ce roman ne cesse de me hanter depuis qu’Augustin m’a fait pénétrer en secret dans ce domaine mystérieux... Intrus comme lui-même, j’ai découvert au fil des pages cette fête galante d’un autre temps. Des années elle sommeilla en moi, et je n’osais raviver les lueurs de ces images enfouies.


Dans Orphelins que je montais en décembre dernier à la Cartoucherie de Vincennes, je réunissais treize enfants pour une célébration funéraire. Les vers de Rilke trouvaient écho en la voix gracile et épurée de ces garçons et de ces filles. Mais si la pièce parlait de mort, les danses, les rêveries et les regards des protagonistes donnaient déjà l’impression d’une fête « étrange », sous la neige qui tombait à gros flocons au dehors. Alors, cette nouvelle création s’est imposée d’elle-même. Je souhaitais continuer ce travail amorcé avec ces jeunes dévoués à la musique et à la poésie, et pour cela il me fallait un texte qui requît leur présence sur scène. Lorsque Meaulnes découvre le « domaine mystérieux », il croise partout des enfants endimanchés conviés à la noce. L’argument était tout trouvé. Ce sont ces enfants « invisibles » que je ferai parler sur scène. Celui qui raconte n’est plus Augustin, ni même son ami François Seurel, mais l’incarnation physique et psychique de ces figures imaginaires, qui servent de « décor » au narrateur. On fabrique alors, on invente, on montre une introspection extra-littéraire de ces célèbres pages. On tente ainsi de retrouver cette mascarade désuète et nostalgique, par l’intermédiaire de ces jeunes du XXIe siècle ; de faire résonner en eux leurs rêves d’enfant, comme pourraient le faire les personnages silencieux de ce roman. En me basant sur la structure originale du roman, mais également sur les brouillons du Grand Meaulnes et les manuscrits et lettres d’Alain-Fournier, j’ai voulu donner corps à des êtres somnambules, reconstituer une chimère avec toute la grâce et la violence des sentiments humains.


Étrangers à ce décor merveilleux d’entre-deux-mondes que découvre Augustin aux Sablonnières, à mi-chemin entre les poèmes de Verlaine et les peintures de Watteau, le temps nous est flou, on est entre passé et présent… Des enfants, de vieilles gens sont réunis et attendent ce qui n’arrivera pas vraiment : la célébration du bonheur. L’adapter est impossible, c’est pourquoi notre fête n’est qu’une « variation » inspirée de cette fête et des personnages qu’y croise le héros du roman. Un hommage à l’imaginaire et à la féerie. L’histoire d’Augustin Meaulnes et Yvonne de Galais n’apparaîtra qu’en filigrane, bienveillante.


Il y a dans cette histoire la perdition d’Eugène Onéguine, la faute de Tristan et Yseult, et l’amour impossible de Pelléas et Mélisande, ces héros hors du temps et hors de toute réalité. Temps mythique et onirique recréé l’instant d’un carnaval d’antan, quête éperdue de la femme aimée, masques libérant rêves et fantasmes… Imagination et transgression se reflètent sans fin. La fête est irréelle car elle est comme un songe, sans raison. Comme une réminiscence oubliée.

Olivier Dhénin

mai 2011

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