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La Conférence

mise en scène Stanislas Nordey

: Entretien avec Christophe Pellet

Propos recueillis par Pierre Notte

Amertumes et crises de foie. Un homme, seul, donne une conférence. Plateau de centre dramatique national, une chaise, un pupitre. Il est auteur, vivant, lâché « dans le circuit ». Ecrivain français installé en Allemagne, il revient en France à l’occasion de ce discours public. Il se dit infesté, empoisonné par « l’Etat français, l’esprit français et les entreprises culturelles du territoire français. » C’est de là qu’il part et de ça qu’il parle : le milieu étriqué des métiers de la pratique théâtrale nationale, boîte suintante d’enjeux mesquins, d’incultures flemmardes, d’inanités crades. L’univers du théâtre décentralisé ou parisien, et avec lui le monde tel qu’il va, uniques objets de son ressentiment.

Règlement de comptes, diatribe ou fiction dramatique


Certainement pas un règlement de compte. Auteur furieux ? Plutôt : citoyen furieux. Une fiction ? Pas vraiment, mes textes ont une grande part autobiographique, voire documentaire. Un exercice de style, oui, un hommage à un écrivain qui me touche profondément : Thomas Bernhard. Aucun texte, ne sera jamais aussi violent que la réalité qui l’a nourri ou dont il s’inspire. Un écrivain a les moyens d’exprimer son désarroi, sa colère ou ses espoirs, quand beaucoup ne peuvent que subir et rester muets. Il ne parle qu’en son nom, en allant au plus profond de lui même, il touche certaines personnes et en fait réagir d’autres. Le personnage de La Conférence, s’accroche à un terrain qu’il connaît (le théâtre public), mais c’est l’ensemble d’un territoire qu’il traverse (la France) et sa politique qu’il rejette. Je n’espère pas violenter, au contraire. Agiter, provoquer, oui : si un dialogue s’échange ensuite.


Les changements attendus


J’espérais - et là je ne parle pas du théâtre, tout comme le texte qui ne parle pas de théâtre en soi -, j’espérais que les choses allaient changer après la crise économique que nous traversons, et je m’aperçois que tout reprend comme avant, mais en pire, forcément. C’est cela qui m’attriste. La façon dont l’histoire se répète aussi. Face à cette désillusion, le théâtre est un épiphénomène. Mais si je peux en démonter, au passage, certains mécanismes réactionnaires, certains comportements autocratiques d’autant plus troublants qu’ils sont cimentés par une bonne conscience, tant mieux. La Conférence ne parle pas de théâtre, mais d’un être, jeune encore, gagné par la folie, et ce mécanisme douloureux débute par une exaspération concrète sur de petits événements (ici liés au monde du théâtre) qui ne sont que des déclencheurs. Artaud a d’abord théorisé et poétisé le théâtre de son époque, mais c’est la société entière qu’il visait : son conformisme et ses mécanismes oppressifs qui ont fini par faire de lui «un suicidé de la société». Le théâtre reste un lieu d’élévation possible, de réflexion, et, ce qui est très bien aussi, de pur divertissement. Il y a de la place pour tout sur les scènes, sauf pour une manipulation obscène (prise en charge par la télévision privée). Pour changer la société il faut d’abord la comprendre, et le théâtre et ses différentes formes de représentations (de la farce à la performance conceptuelle, du rire libérateur au cérémonial hypnotique générateur de sensations autres) permettent de donner des pistes.


Stanislas Nordey, quel lecteur de La Conférence ?


Je ne le sais pas, et n’assisterai, comme souvent, qu’à l’une des représentations publiques. Stanislas Nordey a un style et quel qu’il soit, c’est ce qui est le plus important. Il y aura une écriture scénique, des partis-pris, une sensibilité nouvelle. Le metteur en scène et son équipe exploreront et dégageront des lignes de force, mettront en lumière, obscurciront aussi (et ce n’est pas forcément négatif). Le théâtre est le lieu où toute hiérarchie s’efface, et s’il y a un message dans mon texte c’est celui là : mettre à bas toute forme de hiérarchie. Parce qu’au bout du compte le théâtre est un partage entre le corps vivant de l’acteur et celui, tout aussi vibrant de chaque spectateur et ceci instantanément. Tout le reste, qui part du texte à la lumière immatérielle, n’est que des ponts tendus pour cette traversée. Un corps et une voix apparaissent, et ce corps là, cette voix là, dans leur surgissement, font tout l’intérêt de la représentation et pour moi tout l’intérêt d’une écriture portée à la scène, surtout pour un monologue.

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