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L'Amérique

+ d'infos sur le texte de Serge Kribus
mise en scène Bruno Abraham-Kremer

: Présentation

A propos de L’Amérique


Ma vie est jalonnée de quelques rencontres essentielles, c’est là que mes spectacles puisent leur nécessité.
Si mon enfance rue Bleue avec mon grand-père Monsieur Abraham a donné naissance à Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, le secret de L’Amérique lui est lié à mes années de jeunesse. … C’est une aventure inspirée par ma rencontre avec Olivier, l’ami qui m’a aidé à me débarrasser de la peur qui m’étouffait, à me libérer d’une terrible violence qui souvent se retournait contre moi.
Un soir Olivier m’a raconté qu’au fond de l’univers, tout au fond... il y avait une petite porte bleue et que derrière se trouvait le Secret ! Un jour de mai 1993 il a poussé la petite porte… Récemment dans un rêve il revenait avec un papier froissé dans sa main, je savais que c’était le fameux secret mais la lumière s’est rallumée et je me suis réveillé.
Alors j’ai refait le noir et je suis parti à sa recherche…
Je referme les yeux et j’imagine...
En route donc pour L’Amérique... avec un nouveau complice, Serge Kribus à qui j’ai demandé d’écrire à partir de ces éléments un « road movie » théâtral où le trou noir de la scène, ce lieu miraculeux, où l’on peut faire l’expérience de la frontière, du passage entre la vie et la mort sera au service d’une histoire à la lisière des mondes : Le voyage initiatique de deux amis qui cheminent, entre rêve et réalité… sous le regard d’une femme, une guitariste électrique qui fera pulser le rock de cette fin des années 70.


Bruno Abraham-Kremer




Knocking on Heaven’s door


Je connaissais Bruno depuis plusieurs années déjà. Nous étions amis. Je connaissais son travail. Lui connaissait le mien. Un jour, il y a quatre ans, Bruno est venu me voir. Il voulait me demander quelque chose. Il voulait me demander d’écrire une pièce pour lui. Il voulait me raconter certains épisodes qu’il avait vécus jeune et que je pourrais si je le voulais utiliser, transformer à ma guise. Un ami à lui s’était suicidé. Ils avaient vécu de nombreuses aventures ensemble. Si je pouvais trouver une idée, quelque chose. Bruno ne voulait plus jouer seul comme il l’avait souvent fait auparavant. A deux, ce serait bien. Est-ce que je voulais bien y réfléchir, est-ce que ça m’intéressait ? Est-ce que ça me tentait ? Ah oui, il avait oublié de me dire ceci. Il voulait que ça se passe dans les années soixante-dix et que ça parle de la peur.


J’ai souri. Il m’a demandé pourquoi je souriais. J’ai répondu que je ne savais pas. Comme ça, pour rien. Mais ce n’était pas pour rien. La peur avait toujours résonné en moi. Et les années soixante-dix étaient celles de mon adolescence. Bruno a continué à me parler mais je n’écoutais déjà plus. Pan, pan, pan, pan. J’ai entendu trois coups de feu. Ou quatre, je ne sais pas. Je ne savais pas qui les avait tirés ni pourquoi, mais je les avais entendus. Et la pièce m’était subitement apparue et m’avait traversé.


Les années qui ont vu éclore tant de promesses, tant de mythes aussi sur le rock, la drogue, et la liberté ne furent pas pour moi des années de joie ou d’émancipation. Ce furent des années de solitude, de souffrance. Des années de peur. Mais elles avaient nourri mon imaginaire avec les couleurs psychédéliques des sous-marins jaunes, des odeurs sulfureuses et des cris et des coups qu’on donne contre la porte du ciel, comme si la provocation pouvait nous soulager du manque.


J’observais. J’étais fasciné. Je me voyais parfois torse nu, une Gibson pendue au cou, une Camel serrée entre les cordes et dix mille personnes qui transpiraient dans un hangar enfumé et qui attendaient mon poème, ma chanson. Et ma chanson dirait au monde mon envie de tout changer, ma rage, mon désir violent de musique et d’amour. Mes peurs. Et dans la foule, chacun allumerait son briquet. Et tout le monde chanterait Oh Oh Oh Oh Oh, pour que le concert continue. Et il continuerait jusqu’au matin.
Et nous serions tous en nage, épuisés, mais convaincus que nous avions raison et que le monde allait enfin changer. Oui, bien sûr. Ce n’était même qu’une question de mois, d’années, tout au plus.


Il n’y a pas eu de Gibson, encore moins de hangar, juste quelques Camel qui donnaient un peu l’illusion. Quand au monde, il changeait sous nos yeux, mais pas dans le sens que nous attendions.


Alors quand Bruno m’a demandé si ça m’intéressait, j’ai su que mon heure était enfin venue. Je n’étais pas devenu ni Bob Dylan, ni Jimi Hendrix, mais mon heure était venue. Ce n’était pas de la nostalgie. C’était autre chose. Le monde entendrait enfin ma chanson. C’était peut être un peu tard, mais quelle importance ? A défaut de prévoir et d’anticiper, je me souviendrais de ceux qui rêvaient d’un autre monde, de ceux qui, envers et contre tout, aimèrent les odeurs et les couleurs du rêve, de ceux qui en revinrent, parfois détruit, parfois meurtri, parfois grandi, enfin de ceux qui voulurent le traverser, le démystifier pour en saisir, d’avantage que ses parfums, un peu de son essence. Et si j’avais un peu de chance, ma chanson sur quelque chose de notre passé dirait aussi quelque chose de notre présent.


Serge Kribus

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