« Les hommes ont toujours cherché à améliorer leur état ».
Anatole France

« Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas demeurer en repos dans une chambre ».
Blaise Pascal

Pascal est le prénom du personnage que nous nous proposons de soumettre à un processus d’amélioration personnelle. Un personnage seul en scène, seul contre lui-même. Pour atteindre son objectif, Pascal a mis au point une véritable méthode d’auto-coaching. Cette méthode sauvage, incontrôlée, est un grand « vrac » de tout ce que Pascal a glané au cours de ses dernières années d’existence, mais arrangé à sa manière. Notre héros met un point d’honneur à toujours articuler théorie, pratique et critique. Il possède comme personne la capacité de découvrir et de mettre à profit pour son usage personnel des concepts théoriques révolutionnaires, totalement ignorés (« le Temps masqué » du professeur Edward Andrews) ou selon lui mal compris (la distanciation brechtienne).
Jacques Lacan parlant de la psychothérapie, dit qu’elle « mène à un mieux qui mène à un pire ». Nous aimerions faire nôtre cette troublante formule et l’appliquer à la méthode de Pascal, car dans ce pire, réside aussi une éminente dimension comique.

Poussée jusqu’à ses limites, la logique propre des techniques d’amélioration employées par Pascal le conduit à user d’un langage destructuré comme de soumettre son corps aux plus navrants dérèglements.

L’action prend place dans la solitude d’une chambre réduite au strict minimum, mais judicieusement aménagée pour l’exercice optimal de la discipline à laquelle il s’astreint. Le spectacle se déroulera sur le mode d’une journée type de Pascal, du lever au coucher, une journée intégralement occupée par sa méthode d’auto-coaching. Une journée qu’il voudrait parfaite.

Mon premier texte, Les Conspirateurs, a été écrit pour quatorze interprètes. Le suivant, L’Association, que j’ai mis en scène en octobre 2002 au Théâtre de l’Aquarium, était encore un projet largement choral, pour huit acteurs et un musicien. Je suis venu au théâtre d’abord pour explorer la vie des groupes. Ce n’est qu’avec Mariage, joué par Anne Alvaro et Agoumi à la MC 93 dans une mise en scène d’Anne Torrès, que j’ai commencé à réduire le noyau, à écrire pour deux personnages, pour toucher de plus près la matière de la relation inter-humaine. Cette fois j’entre à l’intérieur d’un être, dans sa chambre, c’est-à-dire dans sa tête. L’Amélioration est mon premier monologue. Mais dans le fond ça ne change pas tant que ça. Ce qu’ils étaient neuf à faire dans L’Association, grands manipulateurs de mots, de notes et d’objets, je voudrais que le personnage de L’Amélioration y arrive seul. Qu’il sache se multiplier, créer des effets de bruissement et de simultanéité, jongler avec les accessoires comme avec les idées pour donner une réalité concrète à ses plus effarantes théories.

Scali Delpeyrat et moi-même souhaitions depuis longtemps travailler ensemble, et ce spectacle nous en offre l’occasion. Je connaissais l’acteur qu’il était, interprète à maintes reprises pour Brigitte Jaques, Hamlet chez Philippe Adrien, et aussi impuissant coupeur de cheveux en huit dans Porte de Montreuil de Léa Fazer.
Il s’agissait aussi pour l’un et pour l’autre de notre première expérience du monologue. Un monologue paradoxal, puisque le personnage interprété par Scali Delpeyrat ne cesse de se dédoubler et de dialoguer avec lui-même, s’encourageant, se conseillant, s’invectivant... C’est de cette manière que nous avons choisi de motiver la forme monologuée ; le personnage se parle à lui-même car c’est sur cette démarche que repose sa méthode « d’amélioration ».
C’est pour Scali que ce texte a été écrit, et sa conception a bénéficié de discussions et d’échanges constants. Ce fut un vrai travail en miroir, la rencontre de deux véritables obsessionnels trouvant enfin leur autre moitié.

David Lescot