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Drames de princesses

mise en scène Matthieu Roy

: Note d'intention

Rosamunde : Ma voix. Ma voix. Ma voix. Ma voix. Ne dit rien.


Comment faire entendre en France la voix d’une auteure aussi controversée que l’est effectivement Elfriede Jelinek dans son Autriche natale ?
Certains savent qu’elle a obtenu le Prix Nobel de littérature en 2004 pour le flot musical de voix et contre-voix dans ses romans et ses drames qui dévoilent avec une exceptionnelle passion langagière l’absurdité et le pouvoir autoritaire des clichés sociaux. D’autres, ont pu apprécier l’adaptation cinématographique de La Pianiste, réalisée par Michaël Haneke avec Isabelle Huppert. Mais qui connaît véritablement l’œuvre de cette femme qui se présente elle-même comme une musicienne de la langue ?


Quand j’ai découvert ces Drames de Princesses, alors en cours de traduction pour les éditions de l’Arche, je me souviens d’avoir eu à affronter un flot de parole dont les remous n’ont pas encore fini de résonner. Si Jelinek invente sa propre langue, sur le plateau de théâtre nous devons pouvoir entendre cette voix si singulière. Nous devons pouvoir sentir le mouvement de cette pensée qui se cherche, qui se heurte et qui finit par s’embarquer sur cette voie dont on pensait qu’elle était au fond sans issue. Dans l’impasse, ces princesses ne peuvent se défaire ni de leur statut de femme vis-à-vis des hommes, ni de l’image que le miroir de la société veut bien leur tendre pour les figer en une seule représentation. Contraintes et soumises par ce schéma, ces jeunes filles ont donc rendez-vous avec la mort : une mort qui vous attend vous aussi, sauf qu’elle ne sera pas aussi géniale, je le crains ! précise Jackie.


Voilà comment Elfriede Jelinek se représente la société moderne. Elle en démonte les rouages afin que nous ne perdions pas la conscience nécessaire au démantèlement des discours aliénants qui se terrent derrière chaque mot, chaque slogan, chaque rengaine désormais convenus. Décomposer le processus de la parole et de son utilisation quotidienne, tel pourrait être l’un des enjeux de ce théâtre contemporain : les acteurs doivent montrer le travail. Ils doivent dire ce qui se passe, mais qu’on ne prétende jamais qu’il se passe en eux autre chose qu’on pourrait indirectement lire de leur visage et de leur corps. Suivant ce conseil de l’auteure, j’ai donc choisi de placer le spectateur de théâtre dans un studio de cinéma et de suivre le processus de création d’une œuvre cinématographique. Il voit l’image se construire dans le cadre avec ses différents plans, la prise de vue en direct, certains effets de montage et le ballet de toute l’équipe hors-champ.


Une jeune artiste tente donc de tourner un film d’auteur dans un contexte politique bien précis. Ce traitement renforce ainsi la tension entre le poétique et le politique, sans laquelle aucune œuvre d’art ne saurait être conçue.
Cette réalisatrice pourra-t-elle mener son projet à terme malgré toutes les pressions extérieures, malgré toutes les angoisses qui menacent de la faire sombrer ? Et enfin malgré toutes ses peurs y verra-t-elle assez clair pour convaincre toute son équipe de la nécessité de leur engagement auprès d’elle ?


Il m’apparaît primordial aujourd’hui de continuer le travail engagé à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg afin que nous, jeunes créateurs en devenir, nous puissions nous emparer de cette VOIX non pas comme d’une banderole à brandir à tous vents mais comme d’une parole interrogeant l’essence même de notre acte artistique.

Matthieu Roy

05 mai 2007

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