Dans Ground and Floor, créé spécialement pour le Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles dont l’écrivain et metteur en scène Toshiki Okada est un habitué depuis 2007, il s’interroge sur la possibilité d’une pensée différente et subversive dans une société japonaise paralysée par le conformisme.

Dans Ground and Floor, Okada raconte l’histoire d’une femme qui tente de s’opposer au mutisme ambiant d’une société enfermée dans ses certitudes. A travers ce personnage, il nous parle de sa génération, celle que la crise économique et la catastrophe de Fukushima ont plongée dans une profonde torpeur. Avec retenue, mais non sans humour, Okada met à nu l’angoisse, le sentiment de méfiance et le besoin de repères, il développe un théâtre de l’aliénation, où la délicatesse de la forme intensifie la puissance du propos, où les corps évoluent avec une fascinante agilité entre le naturel et l’artifice, où chaque mouvement semble à la fois limpide et minutieusement chorégraphié. La musique du trio tokyoite Sangatsu offre une partition originale et ouvre un nouvel espace pour les bruissements des corps et leurs silences.
C’est dans les rues du Japon moderne qu’Okada a trouvé les gestes, les attitudes et les mots qui font la matière de ses pièces. Avec sa compagnie chelfitsch, prononciation enfantine et délibérément fausse de l’adjectif anglais selfish « égoïste », il crée depuis 2007 une sorte de théâtre dansé où les mouvements du corps modulent une langue dominée par l’argot de la jeunesse japonaise. Le corps des acteurs amplifie la perte de repères, le sentiment de désorientation. Okada parvient à capter miraculeusement, physiquement, l’inquiétude d’un pays, d’une époque. Ground and Floor se révèle comme une métaphore sensible de la société japonaise d’aujourd’hui…