Partis pour fuir la famine, la peste ou la guerre, il était courant qu’au Moyen Age des hordes d’enfants sillonnent les campagnes de bourg en bourg. Profitant de l’aubaine, des prédicateurs pénétraient le monde rural afin de recruter des jeunes gens pour grossir les rangs des croisés partis en Terre Sainte pour libérer Jérusalem. Les jeune gens se laissaient tenter, sensibles à la fièvre liturgique qui prônait la récupération de la Sainte Croix, tombée aux mains de Saladin ou encore la reconquête de l’Espagne.

C’est dans ce contexte qu’ont commencé à circuler des légendes ayant trait à la disparition d’enfants, dont s’est par exemple inspiré Grimm pour son Joueur de Flûte et dont s’inspire ce livret.

L’histoire contée ici, faisant écho à l’actualité, met en scène une sorte de circularité migratoire dont la fin heureuse, s’appuyant sur la générosité et l’acceptation de l’altérité, permet de trouver une issue au manque ( en ce qui concerne les enfants errants ) et au manque du manque ( en ce qui concerne les enfants nantis ) dans une quête où se croisent figures parentales réelles et figures de substitution. A cet égard, le héros joueur de pipeau ou « l’enivreur », tire sa puissance de la faillite d’un milieu où la parole ne tient pas et dont les multiples carences nourrissent le désir de fuir une réalité dont les coordonnées ne font plus sens. Opulence et précarité, don ou rétention, sincérité ou mauvaise foi forment quelques un des binômes sur lesquels se déploie l’histoire.

Valérie Letellier