Le spectacle que nous présentons est une proposition à partir du texte de Pier Paolo Pasolini intitulé Contre la télévision. Il faut prendre au sérieux c’est à partir de, puisque la possibilité d’utiliser le texte sur le plateau nous a été refusée. Il n’empêche donc que ce texte sera au cœur de notre travail, c’est de lui que partiront les questions et les actes posés dans le spectacle. Voilà pourquoi nous pensons devoir commencer ce dossier par une petite présentation du texte de Pasolini.

Contre la télévision
Ce texte de Pasolini est un article destiné à la presse, écrit en 1966 et finalement non publié au moment de sa rédaction. Il a été édité en France en 2003, aux Solitaires Intempestifs, dans un recueil regroupant d’autres textes de Pasolini, des inédits rédigés de 1966 à 1975.
Dans la plupart de ces textes, Pasolini décrit et analyse les germes de la « révolution anthropologique » (l’entrée dans la société de consommation de masse) que nos sociétés ont traversée ces quarante dernières années, et dont la télévision apparaît comme l’un des instruments principaux.

Contre la télévision , se caractérise par plusieurs aspects :
- C’est un texte très circonstanciel, référentiel et daté ; il s’attache essentiellement à l’analyse de deux programmes télévisés diffusés en 1966. Le premier est une fiction, un feuilleton consacré à Saint François d’Assise et réalisé par Liliana Cavani. Le deuxième est un débat sur la liberté de l’écrivain où participent des figures éminentes de la classe littéraire italienne : Alberto Moravia, Carlo Bo…
- En même temps, à partir de ces exemples concrets, Pasolini déduit certaines des caractéristiques générales de la télévision. Les émissions servent à une analyse, que Pasolini qualifie de « linguistique », du medium télévisuel en général.
- Le texte allie la rigueur analytique et la passion. Pasolini, comme dans la plupart de ses textes journalistiques, vient ici habiter l’antique demeure de la polémique, alliant une vraie force humoristique à une profonde gravité.
- Le texte met en œuvre une stratégie complexe : il se présente comme une réaction à vif sur un fragment de réalité (une soirée de télévision avec la diversité de ses programmes), mais il est en réalité le fruit d’une reconstruction fictionnelle de la réalité. Pasolini se met en scène, malade, cloué au lit, devant son poste de télévision, dans cette position « mélancolique », si propice à la connaissance. Il opère sur la chose vue un travail de prélèvement et de condensation.

La soirée qu’il nous raconte est une soirée « mythique », « philosophique », qui précipite en un seul espace-temps toute la vérité de la télévision.