Qui est Dom Juan ? Le séducteur, le fils indigne, le menteur, « l’épouseur du genre humain » qui promet le mariage à toutes les femmes qu’il rencontre avant de les abandonner ? Cet enragé qui se moque de tout et de tout le monde, de Dieu comme du Diable ? Est-il l’incarnation du désir ? Ou de l’absence de désir ? Poursuivi par les frères de Dona Elvire qui veulent venger l’honneur de leur sœur et par Elvire elle-même, il est en perpétuelle cavale, entraînant son valet Sganarelle dans cette course vers son destin, une fuite en avant qui le conduit inéluctablement vers la mort comme dans un film noir, un road-movie, une équipée sauvage.

Au-delà du mythe, Thierry Bordereau et la Plateforme Locus Solus dépouillent la pièce de son manteau classique pour rechercher ce qui reste du propos de Molière après la révolution sexuelle et les années sida, à notre époque où le désir s’assouvit dans la société de consommation. Ils retrouvent en Dom Juan la fête fiévreuse, l’énergie, l’envie d’émancipation, l’incandescence des corps puis la descente, vertigineuse. Et le rêve d’Elvire...

Molière écrit Dom Juan très vite, pour faire vivre son théâtre et sa troupe, après l’interdiction du Tartuffe en mai 1664. Le thème était à la mode, il s’en empare, rédige en prose et investit dans une machinerie exceptionnelle, des changements de décor à vue, des effets spéciaux. La pièce, représentée en février 1665, triomphe. Pourtant Molière ne la jouera plus jamais.