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D'orfèvre et de cochon

Pascale Murtin ( Conception ) , François Hiffler ( Conception )


: Entretien avec Pascale Murtin et François Hiffler

Propos recueillis par Stéphane Bouquet, novembre 2014

D’orfèvre et de cochon est une conférence sur le travail. Ce n’est pas forcément un thème sur lequel on vous attendait. D’où vous est venue l’idée ?


Pascale Murtin : L’année dernière nous avons été invités à participer à une série de conférences organisée par le théâtre du Rond-Point sur ce thème imposé : le travail. Le travail dans tous ses aspects : économique, psychologique, politique ou social. Nous avons failli refuser parce que nous n’avions pas vraiment d’idée sur la question. Elle nous paraissait trop vaste, trop loin de notre expérience. Nous n’avons pas l’impression d’avoir jamais connu le Travail, au sens de labeur.


François Hiffler : Puis à force d’en parler nous nous sommes rendus compte que nous pouvions trouver des choses à raconter, moins sur le travail en soi que sur l’emploi et les connotations du mot. C’est un terme que pendant longtemps nous avions refusé d’utiliser mais pour l’occasion nous nous sommes résolus à tenter une sorte de psychanalyse personnelle publique du mot travail : tout ce qu’il comporte, induit, colporte.


Qu’y a-t-il pour vous dans ce mot qui le rende problématique ?


F. H. : D’abord c’est le même mot qui sert à désigner un quasi esclavage et l’espèce d’oisiveté artistique chanceuse dont il nous semble bénéficier. Peut-on tolérer d’utiliser un mot qui sert à dire tellement de choses si différentes ? De plus, dans notre domaine, et peut-être dans l’art en général, ce mot de travail est souvent une arme pour se justifier, protéger une activité peut-être floue, pour être tranquille, pour obtenir une sorte de légitimité sociale.


P. M. : Avec cette conférence à la table, proche d’une simple lecture, nous tentons de formuler tout ce qu’évoque pour nous le mot travail, ce qu’il a de repoussant ou de séduisant. Au passage, nous donnons à voir deux ou trois exemples de notre propre activité afin que chacun puisse juger sur pièces si cela peut, selon ses critères, s’appeler du travail.


F. H. : Nous ne prétendons pas dire des vérités mais agiter la question pour essayer de crever l’abcès : pourquoi répugnons-nous à utiliser le mot travail ?


D’une certaine façon, il y a une définition sociale minimale du mot, si c’est payé c’est du travail…


P. M. : Pour l’expérience, nous avons fait le compte des heures passées à écrire notre intervention. En rapport à ce temps de préparation, la somme offerte par les commanditaires correspondait à un tarif horaire dérisoire dont nous nous vantions volontiers.


F. H. : Si pour autant nous avions voulu être totalement bénévoles, il aurait fallu, d’après nos calculs, travailler 12 heures par jour pendant plus de 5 ans afin de descendre à un tarif inférieur au centime horaire. Mais en février, puisque nous allons refaire dix fois cette conférence et qu’elle nous est achetée par le Théâtre de la Cité internationale, nous sortons définitivement de l’économie bénévole. Il va falloir rajouter un paragraphe dans la conférence pour dénoncer son nouveau caractère rentable.


Critiquer le travail n’est-ce pas problématique ? N’est-ce pas un peu aristocratique ?


P. M. : Nous ne sommes pas des aristocrates, malheureusement. (Rires) Il est facile de se vanter de ne jamais travailler, de se définir par la négative. Mais il est vrai aussi que nous passons des heures à concevoir nos pièces, souvent en nous amusant. Impossible de dire si c’est du travail ou pas. En tout cas, cela occupe tout notre temps. Or, tout le monde passe du temps ne serait-ce qu’à vivre. Ces heures, est-on en train de les passer à se perfectionner ? à vivre ? ou à gagner de l’argent ? La réponse n’est pas simple.


F. H. : Qu’il existe de véritables oisifs est réjouissant. Cela ouvre une poche d’air dans la densité des activités humaines. Malgré toutes les inégalités sociales que ça peut impliquer, que des gens puissent résister au travail est quelque chose dont la société entière bénéficie, non ?

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