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Couverture de Traces incertaines (mises en scène de Jean-Luc Lagarce)

Traces incertaines (mises en scène de Jean-Luc Lagarce)

de Jean-Luc Lagarce


Traces incertaines (mises en scène de Jean-Luc Lagarce) : L'Illusion comique

Extrait d’un texte écrit pour un projet de mise en scène (non réalisée) de L’Illusion comique de Corneille en octobre 1993‚ repris dans Traces incertaines.

Dans le cadre de la grotte magique‚ la scène obscure‚ ce trou profond où le spectateur avant que la représentation ne commence ne voit rien‚ ne devine rien‚ dans la boîte qui nous fait face‚ peuvent apparaître les « vains fantômes »‚ les hommes et les femmes‚ les acteurs‚ sans qu’on sache‚ qu’on puisse savoir ou imaginer s’ils diront vrai ou faux‚ diraient-ils toujours au bout du compte faux et rien d’autre. Un père regarde le spectacle de son fils et de sa vie et son fils joue la comédie encore : le père‚ au bout du compte‚ n’est-il pas un acteur qui jouerait le père sous les yeux des spectateurs ?


(...)


Il s’agit juste d’admettre le danger de ne plus jamais revenir à nos certitudes. Ne pas avoir peur et nous regarder nous-mêmes dans les lumières vacillantes de la scène et les hésitations de notre attention. Marcher à pas mesurés‚ dans la fragilité de la lumière qui sépare le rêve de la veille‚ la salle de la scène‚ le soleil de la Touraine d’une grotte obscure et platonique. Aller au-devant de notre propre imagination peutêtre‚ entrer dans notre roman‚ passer cette frontière où se retournent les spectateurs pour‚ de face dans la lumière‚ être les acteurs du conte.


De la magie initiale‚ juste un coup de baguette‚ le passage d’un monde à l’autre‚ se construit le théâtre et s’oublient ceux qui regardent‚ l’illusion construite‚ pensée‚ l’oeuvre d’art élaborée‚ dans l’illusion spontanée‚ née de l’imagination secrète.


Et‚ comme un livre dans lequel on pourrait entrer‚ passer le prologue comme on franchirait le proscenium du théâtre‚ entrer dans l’histoire comme on pénétrerait plus avant sur le plateau‚ aller dans le roman comme on voyagerait en pensée dans les mots et les phrases‚ prendre les costumes de théâtre et devenir des personnages‚ se mettre en parade‚ l’idée de l’enfance‚ comme on irait marcher dans sa propre imagination‚ en explorateur et metteur en scène de sa vie‚ on joue et de jouer‚ on dit le vrai plus vrai que le vrai.


Et quand viendra l’apaisement où s’éteint le rêve et où les morts se relèvent et les acteurs saluent‚ et quand viendra le calme des sentiments‚ lorsqu’ils reprendront leur cours‚ restera encore‚ comme une légère douleur‚ une petite mort‚ le souvenir de ce temps du faux‚ et l’espoir inavoué que cette nouvelle vie soit le début d’une nouvelle pièce encore‚ l’entrée dans un autre rêve‚ plus grand encore que les autres et les englobant tous‚ à l’infini‚ toujours.

Jean-Luc Lagarce


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