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The Lonely soldier monologues : Dire enfin

par Laura Elias (Journal la Mousson d'été 2016)

Helen Benedict est une journaliste et romancière américaine, mais elle est surtout connue et récompensée pour avoir révélé la première les cas d’agressions sexuelles en Irak et en Afghanistan. Elle a été jusqu’à témoigner devant le Congrès au nom des femmes soldats. Sa pièce lue ici est tirée de son essai publié en 2009 The Lonely Soldier : The Private War of Women Serving in Iraq. Dans l’essai comme dans la pièce, les monologues des femmes soldats ne sont pas romancés, ils sont les témoignages entiers, véridiques, de ces femmes qui ont combattu et dont seulement les noms ont été changés. Dans ce souci documentaire de coller au plus près de son objet, la structure de la pièce suit la chronologie de la guerre : avant, pendant, après. On s’aperçoit que les histoires de ces femmes, quoique différentes, se recoupent à de multiples jalons. Beaucoup d’entre elles viennent de milieux dif ciles et se sont engagées très jeunes, sous l’effet d’un recruteur qui leur faisait miroiter des avantages : université gratuite, voyages... Pour quasiment toutes, les attentats du 11 septembre sont décisifs dans la prise de décision :

  • « Après le 11 Septembre, beaucoup de gens étaient ers de faire partie de l’armée, moi comprise. J’avais pas peur ! J’étais contente de faire partie d’un organisme qui allait s’attaquer au problème. »

Une fois envoyée en Irak, beaucoup partagent le même quotidien. Elles sont en effectif inférieur aux hommes, sont reléguées à des « postes de femmes » comme la cuisine ou l’in rmerie, ou au contraire à des postes très dangereux que tous les hommes refusent de faire : mitrailleur dans les tourelles des tanks par exemple. Remarques misogynes, harcèlement voire viol sont leur quotidien et elles sont sans recours juridique face à une administration aveugle :

  • « Les premiers mois que j’ai passés en Irak, mon sergent m’agressait et me harcelait tellement que je n’en pouvais plus. J’ai décidé de le dénoncer. Mais quand je l’ai livré, ils m’ont dit : « Le point commun à tous ces problèmes, c’est vous. Ne voyez pas ça comme une punition, mais nous allons vous muter. » Et puis ce même sergent a été promu sur-le-champ. Moi, j’ai dû attendre six mois pour avoir ma promotion. »

À leur retour c’est le syndrome de stress post-traumatique qu’elles racontent, l’incompréhension de leur famille, la quasi impossibilité de communiquer et de reprendre une vie normale.


Dans leurs témoignages, on peut remarquer que deux types de critique se dégagent, d’abord celles adressées à l’Armée américaine : elles sont révoltées de ce qu’elles ont subis alors qu’elles aimaient profondément leur armée avant d’aller en Irak, mais surtout ce dont on s’aperçoit au l des témoignages, c’est que c’est l’État américain lui-même qui devient peu à peu la cible des invectives :

  • « Notre gouvernement supportera pas que quelqu’un s’amène aux États-Unis pour nous dire comment on doit gérer notre pays. Mais nous on pense qu’il suf t qu’on se pointe là-bas pour les occidentaliser. Ça fait des siècles qu’ils vivent comme ça. Je peux ne pas être d’accord avec leur façon de faire mais c’est leur pays ! Et on est qui pour prétendre que notre façon de faire, c’est la bonne ? »

C’est le sort des femmes dans l’armée et l’impérialisme américain qui est remis en question par la parole individuelle et collective, vraie force de ce texte. C’est ici que l’on peut interroger peut-être les limites d’un texte documentaire livré au théâtre et questionner le statut du témoignage au théâtre : si le témoignage délivre une parole individuelle et singulière, n’est-ce pas la manière de découper, de choisir et d’organiser qui donne au texte toute sa force de dénonciation et donc l’apparition d’une parole collective ? Comment faire du témoignage un vrai matériau théâtral et non simplement un pan d’histoire individuelle et collective livrée à la lecture ?


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