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Popper

de Hanokh Levin

Texte original : Popper traduit par Laurence Sendrowicz


Popper : Extrait

Le matin, chez les Shvartz. Shvartziska se cure le nez avec le petit doigt. Entre Shvartz.


SHVARTZ – Shvartziska. Ma Shvartziska. Prunelle de mes yeux ! Oreillette de mon cœur ! Petit doigt de ma main ! Il lui embrasse l’oreille, le cou, l’épaule, essaie de lui attraper la main mais elle la cache derrière son dos.


SHVARTZISKA – Allez, ça suffit.


SHVARTZ – Non. Ta Main. Ton doigt.


SHVARTZISKA – Arrête, Shvartz.


SHVARTZ – Je veux embrasser ton doigt. Ton riquiqui.


SHVARTZISKA – Non.


SHVARTZ – Si.


SHVARTZISKA – Prends mes épaules.


SHVARTZ – Je les ai déjà embrassées.


SHVARTZISKA – Mon cou.


SHVARTZ – Je l’ai déjà léché. Je veux ton petit doigt.


SHVARTZISKA – Prends ma poitrine. Qu’y a-t-il de mieux que de beau nénés ? Tiens, prends !


SHVARTZ – Je veux le riquiqui.


SHVARTZISKA – Non.


SHVARTZ – Si.


SHVARTZISKA – Non.


SHVARTZ – Le riquiqui !


Il essaie de saisir sa main. Elle le repousse.


SHVARTZISKA – J’ai dit assez !


SHVARTZ recule. Tristement. – Et moi, je ne voulais que le doigt. Le petit doigt. En me levant ce matin, je me suis dit : « Shvartz, tu as déjà tout eu, tu en as embrassé de la Shvartziska. Pourras-tu encore glisser quelque chose entre tes lèvres ? Non. Il te faut à présent une nouvelle approche, quelque chose de frais, de subtil. Tu vas donc arriver sur la pointe des pieds et tu lui embrasseras le petit doigt. Tu en voudras plus ? Tu crèveras de désir ? Ceinture. Tu pourras exploser que tu n’obtiendras rien de plus. Et ce sera avec ce léger contact digital que tu t’en iras travailler et que tu passeras ta journée à compter les minutes. Mais quand viendra le soir et que tu rentreras, ah, le soir… » Oui, Shvartziska, telle était mon intention. Pourquoi avoir détruit ce qui avait été minutieusement programmé au plus profond de mon cœur ? Je l’ignore. Si jusqu’à cette minute notre bonheur n’avait été aussi parfait, peut-être l’effondrement n’aurait-il pas été aussi total.


SHVARTZISKA – Shvartz, ne dis pas ça.


SHVARTZ – Si. Tout s’écroule. Au revoir. Il sort


SHVARTZISKA – Shvartz, n’en fais pas une catastrophe ! Shvartz ! pour elle-même Qui aurait pu imaginer d’aussi grands desseins bâtis sur un tout petit doigt ?



Popper de Hanokh Levin
Acte I, scène 1


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