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Couverture de Philoctète

Philoctète

de Jean-Pierre Siméon


Philoctète : La tragédie grècque

L’espace théâtral


Si au vie siècle av. J.-C. les spectacles se déroulaient sur l’espace plat de l’agora, au ve siècle le théâtre s’installe à flanc de colline – l’Acropole, à Athènes –, le public très nombreux est assis dans le théâtron (lieu d’où l’on regarde) sur des gradins de bois (remplacés à la fin du ve siècle par les gradins de pierres que nous connaissons aujourd’hui) disposés en amphithéâtre.
Devant les gradins se trouve l’orchestra, espace circulaire, devant lequel est placée la thymèlè, l’autel de Dionysos, où évolue le choeur. Face au public, tangent par rapport à l’orchestra, on trouve le logéion (lieu d’où l’on parle) où jouent les acteurs, sur lequel est posée la skênê (sorte de tente ou de baraque en bois d’abord, puis en pierre où les acteurs changent de masque et de costume). Sophocle, le premier, l’aurait fait peindre pour représenter l’entrée de la grotte de Philoctète devant laquelle se joue le prologue. Il serait donc l’inventeur de la scénographie. Au-dessus de la skênê se trouve le théologéion, lieu d’où parlent les dieux. Pour Philoctète, Sophocle met en place une machinerie théâtrale, au-dessus de la skênê, qui permet l’apparition du deus ex machina, le dieu qui vient des machines, Heraklès, à la fin de la pièce.


Le spectacle tragique


La tragédie est une représentation spectaculaire à la fois musicale et chorégraphique. Le choeur est accompagné de la flûte et exécute des mouvements dansés. La mise en scène de L’Orestie par Ariane Mnouchkine a tenté, en toute liberté, d’en rendre compte.
La tragédie s’ouvre par un prologue présentant le thème de la pièce, elle se poursuit par la parodos, entrée rythmée du choeur après quoi alternent les épisodes (forme dialoguée) et les stasima (formes chantées par le choeur). Elle se clôt par la sortie du choeur (exodos). Cette structure majeure évolue selon les auteurs.
Les thèmes sont liés aux grands mythes et, le plus souvent, mettent en scène, en conflit, deux grandes familles : les Labdacides et les Atrides. Le Philoctète de Sophocle évoque les Atrides. Le choeur est constitué uniquement d’hommes, une douzaine de choreutes qui constitue une sorte de personnage collectif évoluant dans l’orchestra et qui dialogue avec les protagonistes, trois acteurs chez Sophocle qui jouent tous les personnages, jamais beaucoup plus nombreux. Le choeur de Philoctète, autre originalité de l’auteur, est composé des marins qui accompagnent Ulysse.


Le théâtre de Sophocle


né en 496 ou en 495 av. J.-C., il meurt à près de 90 ans en 406. « La vie de Sophocle accompagne la grandeur athénienne » (Pierre Vidal-naquet). Il participe activement à la vie politique de son temps auprès de Périclès notamment en tant que stratège, puis auprès de nicias. Il a été administrateur du trésor athénien, commissaire du conseil et les succès de ses pièces aux Dionysies sont sans précédent. Sept tragédies seulement sont parvenues jusqu’à nous : Les Trachiniennes, Antigone, Ajax, OEdipe Roi, Électre, Philoctète, OEdipe à Colone. Son théâtre, plus que celui d’Eschyle, développe le dialogue, notamment dans le prologue. En cela il est innovant. D’autre part, chacune des tragédies existe par elle-même et ne s’inscrit plus, comme chez son prédécesseur, dans une trilogie. Ses héros tragiques y gagnent en solitude mais aussi en force : il présente des individus seuls face à leur destin, c’est le cas avec Philoctète. D’ailleurs, si l’on excepte Les Trachiniennes, toutes ses tragédies portent le nom du personnage éponyme. Philoctète est l’avant-dernière tragédie de Sophocle représentée en 409 avant J.-C. On sait qu’Eschyle et Euripide se sont emparés de ce personnage mais leurs oeuvres ont été perdues.


Le palimpseste


Le mythe étant par définition un récit fabuleux, transmis par la tradition, qui met en scène des êtres incarnant, sous une forme symbolique, des forces de la nature et des aspects de la condition humaine, on comprend que de nombreux auteurs se soient emparés de cette figure de l’abandon et de la solitude qu’est Philoctète.

Catherine Marion - Christophe Mollier