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Couverture de Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

de Jean-Luc Lagarce


Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne : 2. Le Mariage : la corbeille, le contrat

par la Baronne Staffe

La pièce de Jean-Luc Lagarce est une réécriture d'un manuel de la Baronne Staffe, née Blanche Soyer, paru en 1889 : Usages du monde : Règles du savoir-vivre dans la société moderne.
Nous vous en proposons ici quelques extraits.

L'envoi de la corbeille et la signature du contrat précèdent de huit à dix jours environ la cérémonie du mariage.
La corbeille est apportée le matin du jour où l'on signe le contrat. Elle se compose de robes de satin, de velours, etc..., en pièce ; de dentelles noires et blanches, de points héréditaires, si les aïeules du fiancé en ont possédé ; de bijoux modernes, de joyaux de famille ; d'un manteau de loutre ; de bandes de lophophore, originale parure pour les robes et les vêtements, dont la solidité, autant que la surprenante beauté explique la faveur. A ce fond de garde-robe, on ajoute une aumônière gonflée d'or (pièces neuves), un ou plusieurs éventails, un livre d'heures copié sur un chef-d'œuvre du moyen-âge. (Il va sans dire que la corbeille peut être infiniment plus modeste, tout dépend des ressources du fiancé.)
Ces objets sont contenus dans une grande corbeille en vannerie artistique, doublée de satin blanc et de forme carrée, afin que les étoffes n'y prennent pas de faux plis. Un gros bouquet de roses blanches ou un nœud de satin blanc s'attache sur le couvercle.
Le coffre, l'ancien coffre de mariage, est choisi par quelques fiancés amis de l'archaïsme. Ils sont décorés, armoriés, sculptés, peints, etc.
On avait eu l'idée de remplacer la corbeille par quelques milliers de francs, insérés dans une enveloppe, mais cette innovation a froissé les délicatesses de sentiment du plus grand nombre des fiancés, et la vieille mode a prévalu, nous en sommes bien aise.
L'habitude d'exposer le trousseau, la corbeille et les présents envoyés à la fiancée par sa parenté et ses amis, cette habitude – d'un goût fort contestable – est complètement tombée en désuétude, chez les gens qui se piquent de véritable délicatesse.
L'étalage de la lingerie intime était pénible à supporter par le fiancé et révoltait les pudeurs de plus d'une fiancée. Il y avait en outre une ostentation de parvenus à étaler ainsi les richesses d'un trousseau, les splendeurs d'une corbeille.
Quant à l'exhibition des présents, on sentait comme une arrière-pensée dans cette coutume. On semblait vouloir exciter l'émulation chez les donateurs. Dans la crainte de passer pour pauvres ou avares, les vaniteux – qui seraient peut-être restés indifférents à l'opinion des fiancés et de leur famille – faisaient des sacrifices, pour paraître magnifiques aux yeux des gens admis à passer les cadeaux en revue.
On est donc revenu à nos anciens et discrets usages, qui ont le mérite de n'offenser jamais la réserve des fiancés et de ne pas faire soupçonner les parents de sot orgueil et d'autres vilains sentiments.
Le contrat se signe souvent chez le notaire.
Quand le notaire se rend chez les parents de la fiancée, toutes les personnes intéressées s'y assemblent. Dans l'un comme dans l'autre cas, les clauses de contrat doivent avoir été bien débattues, par avance, entre les deux familles (hors de la présence des fiancés) pour éviter toute discussion, au moment des dernières stipulations.
Quand le contrat se signe chez les père et mère de la fiancée, il est toujours suivi d'un dîner auquel est convié le notaire.
Parfois le contrat se signe au milieu d'une soirée, qui réunit bon nombre d'invités. Les divertissements ou la conversation s'interrompt, le notaire donne lecture du contrat. Alors le futur se lève, salue la fiancée, signe l'acte et lui passe la plume. Après avoir apposé son nom, celle-ci offre la plume à la mère de la jeune fille, les deux pères signent après et, ensuite, tous les membres des deux familles, par rang d'âge. On est bien aise aussi, parfois, de faire figurer un nom illustre sur le contrat. Si la personne dont on désire la signature est présente, elle signe avec la famille, sinon le notaire lui envoie le contrat à signer le lendemain.
Pour la fête du contrat, la fiancée ne se pare d'aucun des bijoux qui viennent de lui être donnés. Ils ne lui servent qu'après le mariage. Elle s'habille d'une simple et jolie toilette claire, sa dernière robe neuve de jeune fille et – une dernière fois aussi – elle sort de son écrin ses petits bijoux, qui ne conviendront plus à la jeune femme qu'elle va devenir. Mais en revanche, grande élégance autour d'elle. Aussi bien, la soirée de la signature n'a déjà plus cet aspect intime de la fête des fiançailles. Toutefois on n'y invite pas de connaissances banales.
Au moment de la signature, si le notaire demande à la fiancée – comme c'est son droit – la permission de lui baiser la main, elle la lui accordera, après avoir rapidement consulté du regard sa mère et son fiancé. Tous deux font, des yeux, un signe d'acquiescement. Quelques personnes vont se révolter contre cette idée de réclamer le consentement du fiancé ; nous trouvons, au contraire, qu'il y a, dans cette espèce de reconnaissance anticipée de ses droits, quelque chose de touchant et qui donne une vue bien nette des devoirs de la vie conjugale. Mais, dira-t-on, la fiancée ne dépend encore que de ses parents. Pas tout à fait ; elle porte au doigt un anneau qui l'engage déjà et elle a reçu des présents qui lui créent des obligations.
Le lendemain du jour où l'on a signé le contrat, on envoie le billet d'invitation à la cérémonie religieuse. Quant à ceux qui doivent assister aux « festin et entières nopces », ils sont prévenus quinze jours d'avance, pour le moins.


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