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Couverture de Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

de Jean-Luc Lagarce


Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne : 3. Le Mariage religieux (usages mondains)

par la Baronne Staffe

La pièce de Jean-Luc Lagarce est une réécriture d'un manuel de la Baronne Staffe, née Blanche Soyer, paru en 1889 : Usages du monde : Règles du savoir-vivre dans la société moderne.
Nous vous en proposons ici quelques extraits.

Toutes les personnes invitées à composer le cortège de l'épousée – elles en ont été priées de vive voix ou par lettre particulière – se réunissent chez les parents de celle-ci.
Le père et la mère de la mariée reçoivent leurs invités au salon. Le marié a précédé tout le monde, en compagnie de ses parents. Quant à la jeune épousée, elle ne paraît qu'au dernier moment et portant à la main le dernier bouquet blanc que lui a adressé, le matin, celui qui est déjà son mari, de par la loi civile.
La mariée est habillée avec une simplicité relative. A notre humble avis, les diamants sont de trop et nous exclurions même les riches et lourdes dentelles. La toilette doit être virginale et non fastueuse. Une robe de satin à longs plis, en hiver ; les draperies aériennes de la soyeuse mousseline des Indes, en été ; les guirlandes parfumées des fleurs de l'oranger, mêlées aux roses blanches et aux myrtes, n'est-ce pas la plus adorable des parures sous le nuage du voile ? Au plus ajouterions-nous un fil de perles au cou de notre fille. Nous savons bien que les points d'Alençon et d'Angleterre, que les pierres blanches étincelantes parent souvent les mariés, qu'on brode dans un coin de leur voile leurs armoiries accolées à celles des époux, mais, à notre sens, ce n'est pas là de l'élégance correcte.
Le marié porte l'habit ou son grand uniforme, s'il appartient à l'armée.
Depuis que, dans l'île voisine, un squire s'est marié en habit rouge, arrivant en ligne droite, à l'église, des bois où il avait couru le renard toute la matinée, depuis cette excentricité bien anglaise, on s'est quelquefois départi du cérémonial français, et plus d'un marié s'est contenté de la redingote. La partie masculine du cortège s'est naturellement accordé pareille licence. Cependant, dernièrement, à un mariage princier, tous les hommes avaient repris l'habit et nos usages vont de nouveau prévaloir, espérons-le.

Quand tout le monde est arrivé, - et c'est le cas d'être exact – on monte en voiture pour se rendre à l'église.
La mariée occupe la première voiture et prend la droite. Elle a son père et sa mère avec elle.
Dans la seconde voiture, le marié et ses parents.
Les témoins prennent place dans les troisième et quatrième voitures avec des parentes des mariés. Ce ne sont pas des jeunes filles.
Les autres invités s'arrangent des autres voitures, de façon à ce que le cortège soit déjà formé, dans l'ordre où il entrera à l'église.
On doit, autant que possible, associer une personne de la famille ou des amis de la mariée à une personne de la famille ou des amis du marié. Tout cela se combine d'avance dans le salon de la mère de la mariée. Il y a une règle à observer : les jeunes filles ne montent pas – même à deux – dans une voiture où elles seraient seules avec des hommes qui n'appartiendraient pas à leur proche parenté.
Depuis quelque temps, on fait une charmante addition au cortège : toute mariée a ses pages... comme un marquis de Molière. Ce sont des garçonnets, de l'une ou de l'autre famille, habillés avec une élégance fantaisiste. Ils sont chargés de porter le livre, le bouquet de l'épousée ; quelques-uns, bien avisés, vont jusqu'à écarter, dégager son voile, quand les circonstances l'exigent ; ils se tiennent, en conséquence, au plus près de leur maîtresse.
Au moment où la mariée arrive sous le porche de l'église, une femme de chambre envoyée d'avance, ou une ouvrière, se présente pour réparer le désordre qui peut, par aventure, être survenu dans sa toilette. Il faut au moins arranger son voile.
Le cortège se forme :
La mariée au bras de son père ; le marié avec sa mère ; la mère de la mariée conduite par le père du marié ; les demoiselles et les garçons d'honneur ; les témoins et les dames avec lesquelles ils sont venus en voiture.
La mariée a pris le bras gauche de son père, toutes les dames doivent prendre le bras gauche de leur cavalier, alors même que celui-ci aurait l'épée au côté, en cette circonstance seulement, pour l'harmonie. Et vice versa : si son père est un militaire, l'épousée s'appuie sur son bras droit et toutes les autres femmes suivent son exemple, quand bien même les cavaliers seraient en habit.
A l'entrée de la mariée, tous les invités à la messe se lèvent. Ceux qui sont venus pour l'époux sont à droite de la nef, ceux qui sont venus pour la mariée se sont placés à gauche.
La mariée s'avance sans porter les yeux autour d'elle.
Bien peu d'épousées restent naturelles sous tous les regards fixés sur elles. Un peu de trouble ne leur messied pas. Mais il ne faut pas qu'une mariée prenne l'air de la «victime couronnée de fleurs qu'on conduit à l'autel». Mieux vaudrait s'avancer délibérément, ce serait moins sot. Qu'elle soit émue, cela se conçoit, heureuse et un peu effrayée, on se la figure ainsi ; mais si elle est bien élevée, si elle possède une dose suffisante de tact, elle évitera aussi bien les airs penchés que les airs assurés, elle ne posera pas plus pour la pruderie outrée que pour l'aplomb excessif.
Certaines mariées ont le don d'agacer ou d'amuser les assistants.
Le père de la mariée la conduit à sa place : le prie-Dieu placé à gauche et auprès duquel brûle un cierge.
Le marié vient s'agenouiller auprès d'elle sur l'autre prie-Dieu.
Les pères et mères se tiennent aussi près que possible de leurs enfants.
Dans les grandes églises, les suisses et les bedeaux font office de maîtres des cérémonies et indiquent à chacun ce qu'il a à faire.
Assez souvent les garçons d'honneur (les plus jeunes) tiennent le poêle au-dessus de la tête des mariés. Ces jeunes gens doivent prendre garde d'endommager la coiffure de la jeune femme et de déranger les cheveux du marié.
Quelles que soient les opinions religieuses du marié, il est tenu, de par le plus élémentaire savoir-vivre, de garder une attitude convenable pendant toute la cérémonie. La jeune mariée ne doit pas s'occuper de ce qui se passe autour d'elle parmi les invités. Au moment où elle prononce le oui sacramentel, elle se tourne légèrement vers son père et sa mère, comme pour leur demander encore un consentement qui est superflu, du reste, puisque le mariage civil est accompli.
La mariée passe à la sacristie au bras de son beau-père, tandis que le marié offre le bras à sa belle-mère. Les deux nouveaux époux, - après avoir apposé leur nom sur le registre, - se rangent à côté l'un de l'autre. Les parents de la mariée se placent à sa gauche, ceux du marié à la droite de leur fils. Les invités (ceux de la messe également) félicitent non seulement les mariés, mais encore leurs parents, au moins les parents de celui des époux pour lequel ils sont venus. Le marié nomme à sa femme ceux de ses invités de la messe qui la saluent et qu'elle ne connaît pas ; la mère de la mariée en fait autant pour les gens de son monde que son gendre n'a pas encore rencontrés.
Lorsqu'un lunch seulement est donné après la cérémonie, il arrive qu'on y convie, à ce moment, quelques-uns des assistants ; c'est les distinguer ainsi de la foule des connaissances banales, sans toutefois les assimiler au cercle des intimes qui y ont été invités en même temps qu'à la bénédiction.
La mariée sort de l'église au bras de son mari.
Son père offre son bras à la mère du marié.
Les invités de la messe ont regagné leur place et sont debout sur le passage du cortège. Le marié et la mariée saluent à droite et à gauche en souriant.
Les mariés remontent seuls en voiture, c'est le plus souvent un coupé.
Pendant que les voitures emportent la noce, glissons vite un détail. Si les parents des mariés ont un grand état de maison, les cochers et tous les domestiques d'ailleurs revêtent, pour la circonstance, la livrée de gala et on se sert des équipages des grands jours. Un minuscule bouquet de fleurs d'oranger, de roses blanches et de myrte noué de rubans blancs orne la boutonnière de tous les serviteurs et pare la tête des chevaux.


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