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Couverture de Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

de Jean-Luc Lagarce


Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne : EAF / Marivaux, Goncourt, Lagarce

Objet d'étude : L'argumentation : Convaincre, persuader, délibérer

Sujet proposé par : Gilles Scaringi

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Corpus

  • Marivaux La Double Inconstance La Double Inconstance, acte I, scène IV, 1723 extrait
  • Edmond et Jules De Goncourt, Renée Mauperin, chapitre VII, 1864 extrait
  • Jean-Luc Lagarce Les règles du savoir-vivre dans la société moderne (1995)« Les fiançailles » p.22-23 extrait


Travail d'écriture


1 – Question sur le corpus
- Reformulez, pour chacun des textes, les thèses exprimées par les personnages (de Marivaux, des Goncourt) ou la narratrice (de Lagarce) avant de déterminer s’il s’agit de convaincre ou de persuader l’interlocuteur ou le spectateur.


2 – Vous traiterez un des trois sujets suivants :


I - Commentaire littéraire
Vous ferez le commentaire du texte de Marivaux.


II - Dissertation
Sujet :
Les œuvres littéraires et les formes d'argumentation variées qu'elles proposent vous paraissent-elles être un moyen efficace pour combattre les préjugés et les défauts de société ? Vous répondrez à cette question en vous référant aux textes du corpus, aux œuvres étudiées en classe ainsi qu’à vos lectures personnelles.


III - Invention
Sujet :
Deux lycéens d’aujourd’hui dialoguent et s’affrontent : l’un, reprenant les opinions d’Henri Mauperin, soutient que l’argent est la valeur suprême, tandis que l’autre, à la suite d’Arlequin, met l’amour à cette place. Vous veillerez à construire le débat et à le conclure dans le sens qui vous convient.



Remarques sur les consignes


La question sur le corpus :


Après avoir reformulé chacune des thèses, on étudie les procédés pour convaincre ou persuader le spectateur ou l’interlocuteur :


1 – La Double inconstance.
Thèse de Trivelin : Un mariage de consolation est préférable à un mariage d’amour s’il permet d’améliorer son confort matériel.
Thèse défendue par Arlequin : On ne met pas sur le même plan l’amour et les biens matériels.
2 – Renée Mauperin.
Thèse défendue par Henri Mauperin : Un beau mariage ne s’improvise pas, car c’est d’abord une affaire d’argent.
3 – Les Règles du savoir-vivre.


Thèse implicite de l’auteur : La cérémonie des fiançailles arrangée par les familles est une ignominie de la société bourgeoise.


Dans le texte de Marivaux, on assiste à une scène « argumentative » par définition comme on en voit dans la comédie : on relève et analyse les procédés de conviction et de persuasion dont use Trivelin pour changer les plans amoureux d’Arlequin. La stratégie argumentative du premier a pour but de pousser le second à épouser une inconnue à la place de Silvia, la jeune paysanne dont le Prince s’est amouraché. Les arguments sur les biens matériels, l’idéal d’une amitié avec le Prince, l’acquisition d’un certain prestige n’y suffisent pas. Arlequin sent le piège. C’est Silvia qu’il aime. Les procédés habituels de la persuasion utilisés par Trivelin n’atteignent donc pas leur cible (changements de registre, effets de sensiblerie, flatterie, insulte pour finir). Ainsi Arlequin finit-il par convaincre Trivelin de l’inanité de ses efforts pour le faire agir contre son gré. Il oppose le simple bon sens à la tentative de manipulation de ce dernier.


Dans le texte des Goncourt, tout l’argumentaire repose sur le discours épidictique du jeune Henri Mauperin (un portrait peu reluisant de la promise). On relève par ailleurs les « règles » du manuel parfait pour faire un « mariage riche », déclinant tous les moyens pour le réaliser (effets sur le destinataire, registres polémique et lyrique, force du raisonnement par l’exemple). Ici, les arguments du jeune homme ont pour but de convaincre la mère de l’erreur qu’elle s’apprête à faire commettre à son fils. Henri énumère point par point toutes les bonnes raisons qu’il a de ne pas épouser la jeune fille pour se réserver plus tard un meilleur parti. Le raisonnement l’emporte sur les effets faciles du pathos.


Dans le texte de Lagarce, le principe des conseils à suivre (manuel du savoir-vivre) est peu à peu détourné de son sens (situation d’énonciation, procédés de la persuasion, notamment). On relève les indices de la situation d’énonciation et l’ambiguïté du jeu théâtral (Qui parle à qui ? Importance de l’adresse au public). Par la double énonciation, les effets sur le spectateur sont indéniables. Le « raisonnement » de la Dame sent l’hypocrisie à plein nez. Lagarce dénonce ainsi les préjugés d’une société corsetée par ses propres codes et dont il se moque habilement en mettant les rieurs de son côté (les spectateurs).


Remarques sur le commentaire du texte de Marivaux :


- L’échange contradictoire entre Trivelin et Arlequin porte sur un projet de mariage. Arlequin veut épouser Silvia, tandis que Trivelin lui promet une jeune fille et « l’amitié du Prince » s’il y renonce. Les sentiments peuvent-il faire l’objet d’un marchandage ? Tout le débat est là. Et la thèse fièrement soutenue par Arlequin (rappel du personnage de la commedia dell’arte) provoque la discussion sur la fin et les moyens.
- On note la vivacité de la scène par la confrontation des arguments et les procédés persuasifs qu’emploie Trivelin pour arracher la décision d’Arlequin (registres, fausse sensiblerie, jeu d’énonciation, raisonnement spécieux sur la valeur et les biens de ce monde comparés à la sincérité des sentiments).
- Scène de comédie par excellence, on retrouve toute la verve et l’impertinence d’Arlequin (son solide bon sens, sa méfiance à l’égard des puissants, la sincérité de ses sentiments pour Silvia, son indifférence (surfaite ?) pour les biens de ce monde, sa défense des gens de la terre.
- Etude des reparties, des jeux de mots, de la théâtralité à travers un jeu de répliques aussi savoureuses que lumineuses sur la condition du valet au XVIIIème siècle.



Remarques sur le commentaire du texte de Lagarce (qui peut faire l’objet d’un deuxième choix à l’initiative du professeur):


On peut définir des axes de lecture à partir des développements suivants :
- La présence de la dame, son statut social (par l’étude du langage)
- La situation d’énonciation : l’emploi des indices personnels : la valeur du « on » ; le « je » de « je ne sais pas » ; « on n’en saurait douter » ; « si on a bien voulu suivre », « si on veut bien faire un léger effort de concentration », etc.
- La modalité prescriptive : « on n’expose pas », « il apporte lui-même la bague », - Les jugements, les opinions et les sentiments personnels : « les indifférents, les cyniques », « c’est crétin », « c’est le moins qu’on puisse espérer », etc.
- L’organisation de la cérémonie : ses codes, ses rites, ses faux-semblants (la présence des amis, le premier bouquet de fleurs, la bague, la superstition, la présence du père, le plan de table, par exemple)
- Le statut des « fiancés » : critique sociale précise (le rite devient l’objet de toutes les attentions) et l’intervention des « négociateurs »
- Utilisation des formes de discours, des registres, de l’ironie au service de l’argumentation
- La théâtralisation de la scène : le statut du monologue au théâtre ; le discours éclaté.



Remarques sur la dissertation :


Le sujet appelle le candidat à s’interroger sur les différentes formes d’argumentation auxquelles recourent les écrivains pour dénoncer les préjugés et les travers de société. Les textes du corpus proposent deux scènes de théâtre (un dialogue à visée argumentative et un discours monologué explicatif) ainsi qu’une page de roman avec un autre dialogue à visée argumentative. Point commun aux trois extraits : ils s’inscrivent dans la pure critique sociale. On propose ainsi plusieurs pistes de réflexion.
- De la question générique et des formes de discours dépendent la validité de la thèse défendue et des moyens de convaincre et persuader. On s’attend à ce que l’élève cite et exploite l’apologue (Les Fables de La Fontaine, les contes de Voltaire, l’extrait de Renée Mauperin proposé dans le corpus où le fils cherche à persuader sa mère de son refus d’épouser la jeune fille promise.) Par la forme dialoguée dans la fiction, la dénonciation du mariage arrangé peut avoir un plus grand impact sur le lecteur. De nombreux autres textes connus des élèves peuvent être exploités telle La controverse de Valladolid.


- L’utilisation de l’ironie et du registre comique au théâtre constitue d’excellents moyens pour persuader le lecteur ou le spectateur du bien-fondé d’une thèse à défendre ou à réfuter. Dans l’extrait de La double inconstance, le jeu comique entre Arlequin et Trivelin n’empêche pas la pertinence du valet pour contrer une proposition qui lui déplaît ; de même dans l’extrait des Règles du savoir-vivre, on relève par la double énonciation l’ironie de l’auteur pour moquer des pratiques discutables : le mariage bourgeois.
Parallèle qu’on peut faire avec plusieurs comédies de Molière sur la critique sociale.
Tant dans les pièces de théâtre que dans les œuvres de fiction à visée argumentative que l’élève a lues ou étudiées sous forme d’extraits, on associe le divertissement, le plaisir de la lecture à la réflexion sérieuse. Le choix de la forme est donc capital.


- On attend de l’élève qu’il propose aussi une contre-argumentation dans laquelle l’essai, par exemple, peut apparaître comme une forme d’écriture univoque où le souci de la rigueur de la démonstration l’emporte sur des considérations plus littéraires. L’élève peut ainsi établir des parallèles avec des œuvres étudiées ou des textes lus dans l’objet d’étude sur l’argumentation (Montaigne, Pascal, certains textes de Rousseau ou le dictionnaire philosophique de Voltaire, par exemple) constitueront d’excellentes références. Certains sujets et débats de société exigent la rigueur scientifique pour convaincre aussi.



Remarques sur l’invention :


On insiste sur la force du dialogue pour convaincre et persuader. Tous les registres sont possibles par ailleurs. Les points à valoriser :
- Comment le débat s’inscrit dans un échange d’arguments contradictoires.
- La pertinence des exemples et des références aux textes.
- L’utilisation des registres.
- L’aisance du discours, la prise en compte du contradicteur, la qualité du raisonnement.


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