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Le Refuge

de Hélène Trembles


Le Refuge : Écrire le rêve d'héroïsme

par Hélène Tremble

Le Refuge est une réflexion sur ce qu’est ou n’est pas l’héroïsme. C’est aussi un récit d’initiation.


J’ai choisi de confronter le « super-héros » du jeu vidéo, celui qui a une mission et des aptitudes exceptionnelles, aux « non-héros » du quotidien, ceux qui sont privés de quêtes, qui doivent composer avec la réalité… ou qui choisissent de la fuir. Véra, Guillaume, Jonathan et Anne sont maladroits, incapables d’exprimer ce qu’ils ressentent. Ils se mentent à eux-mêmes, ils ne trouvent pas leurs mots, ils plaisantent pour se donner une contenance, et se cachent derrière un sarcasme trop confortable. Ils doutent, ils essayent, ils ratent, et ils communiquent sans jamais réussir à vraiment se confier. Ils s’aiment beaucoup, mais ils se supportent mal. Tout est toujours compliqué alors qu’ils rêvent d’évidence, tout est toujours grave alors qu’ils cherchent la légèreté.


De là vient leur désir de se réfugier dans une fable rassurante, une fiction créée sur mesure. Leur héroïne, Lise, est sans passé et sans famille. Elle ignore aussi la peur, échappe donc à l’angoisse et aux contradictions qui pèsent sur ses créateurs. Elle peut agir, se confronter directement à la brutalité du monde dans lequel elle vit, faire des choix, et, si besoin, recommencer tout à zéro. Réinitialiser leur vie – voilà peut-être à quoi rêvent Guillaume et Véra, empêtrés dans les vieilles rancœurs, qu’ils essayent en vain d’ignorer.


Anne et Jonathan sont quant à eux toujours dans l’action ; ils cherchent à aller de l’avant, et ne supportent pas d’être retenus ou entravés par des états d’âmes face auxquels ils restent impuissants.


C’est la radicalité du support qui les séduit : dans le jeu, il faut toujours avancer, il faut toujours choisir. On ne peut pas rester sur place. Mais le monde virtuel se révèle être une fausse solution, une illusion de refuge. L’incertitude qui habite les personnages finit par contaminer le jeu qu’ils sont en train de créer. Même dans cet univers fantasmé, il devient nécessaire de faire des compromis.


Le jeu vidéo est un média jeune, qui appartient à la pop culture et peine à se faire reconnaître comme un art à part entière – par opposition au théâtre, art ancien et noble par excellence. Pourtant, le théâtre et le jeu vidéo ont bien plus de points communs qu’il n’apparaît à première vue. Ils fonctionnent tous deux sur le principe de l’immersion : immersion par les sens dans un cas, immersion par l’interactivité dans l’autre. Chaque partie jouée est différente, chaque représentation est unique. De plus, l’acteur, comme le gamer, « joue », c’est-à-dire s’immerge dans un monde fictionnel en adoptant le point de vue d’un personnage qui n’est pas lui. J’ai pu ainsi exploiter une forme de mise en abyme : les personnages de l’appartement jouent tour à tour au jeu vidéo qu’ils créent. Ils deviennent alors spectateurs actifs de l’œuvre d’art, entraînés dans la fiction.


Hélène Trembles


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