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Couverture de Le Pays lointain

Le Pays lointain

de Jean-Luc Lagarce


Le Pays lointain : Extrait 2 : Famille choisie et famille imposée

PL, p. 43-46 / ThCIV, p. 311-314

(…)


HÉLÈNE. – Et je pourrais dormir à l’hôtel‚ je pouvais dormir à l’hôtel‚ je serai dans la même ville‚ cette sorte de ville...


LONGUE DATE. – On en a déjà parlé. La Femme qui accompagne l’Homme qui accompagne l’Homme qui revient voir ses parents. Un groupe. Une délégation.


HÉLÈNE. – Tu me téléphoneras.


LONGUE DATE. – Je te téléphonerai.


L’Amant‚ mort déjà‚ pose sa main sur l’épaule d’Hélène.


HÉLÈNE. – Après‚ je n’ai rien fait‚ je suis restée là comme je suis toujours. J’ai attendu.


(…)


Longue Date a toujours ses fleurs.


LA MÈRE. – Nous le logerons dans la chambre du haut‚ celle-là où il vivait‚ lui‚ ton frère lorsque vous viviez tous encore ici. – Antoine‚ cela t’est égal‚ j’imagine‚ cela t’est égal qu’il prenne ta chambre‚ la chambre qui était la tienne lorsque tu vivais encore ici‚ cela t’est égal ? Antoine ? (il ne me répond pas) – il sera dans la chambre près de la tienne‚ et toi‚ tu seras là où tu étais lorsque tu étais enfant.


LONGUE DATE. – J’espère que je ne poserai pas de problèmes‚ que je ne créerai pas de problèmes. D’une manière générale‚ assez généralement‚ je ne crée pas de problèmes‚ ce n’est pas ma nature.


LOUIS. – Je crois que c’est bien.


LONGUE DATE. – C’est bien.


SUZANNE. – Les deux chambres communiquent. On peut se parler d’un lit à l’autre juste avant de s’endormir. Ceux-là‚ les deux frères ne le faisaient jamais lorsqu’ils étaient plus jeunes‚ jamais ils ne se parlaient d’un lit à l’autre avant de s’endormir‚ ils fermaient la porte mais là‚ si vous voulez...
Je prends les fleurs. Vous ne voulez pas que je les prenne ?


(…)


LE PÈRE‚ MORT DÉJÀ. – Comment va-t-il ? Comment est-ce qu’il va ?


L’AMANT‚ MORT DÉJÀ. – Je n’ai pas compris. Ce que vous avez dit‚ je n’ai pas compris. Je vous demande pardon. Je pensais à autre chose.


LE PÈRE‚ MORT DÉJÀ. – Je suis son père. J’étais. La plus jeune‚ Suzanne‚ la plus jeune l’a dit‚ son père‚ il est mon fils aîné.
Je demandais : comment est-ce qu’il va ? On ne se rend pas bien compte. Je m’inquiétais.


L’AMANT‚ MORT DÉJÀ. – On ne se connaît pas.


LE PÈRE‚ MORT DÉJÀ. – Non. Logique. Fatalement. Mort pour ma part à la fin de son adolescence‚ la petite toute petite et le second‚ intermédiaire‚ comme on peut voir. On imagine mal qu’il vous ait amené‚ je serais encore là‚ on imagine mal‚ de toute manière‚ ne fut jamais du genre à amener avec lui qui que ce soit‚ les gens qu’il fréquentait après nous avoir quittés‚ jamais il n’aurait voulu que nous les connaissions‚ je crois.


L’AMANT‚ MORT DÉJÀ. – Il va bien. Il n’a pas peur‚ le corps pourrit‚ cela se défait‚ mais il n’a pas peur‚ il en donne l’impression‚ s’il a peur il ne le montre pas‚ c’est presque pareil‚ il essaie de rester le maître.


LE PÈRE‚ MORT DÉJÀ. – Toujours été ainsi. Il veut croire qu’il se gouverne‚ je l’avais un peu oublié‚ et je le vois arriver‚ ça m’a fait rire‚ exactement la même petite prétention à décider de l’ordre des choses.
Il arrive sans prévenir‚ il sonne‚ l’autre garçon est avec lui – c’est son meilleur ami‚ si j’ai bien suivi – on ne peut aussitôt lui tomber dessus‚ l’ami à côté‚ si poli‚ si gentil garçon‚ cela ferait mauvais effet‚ du plus mauvais effet‚ il a calculé tout ça‚ il n’a jamais été du genre à ne pas calculer.
Typique de sa manière‚ arriver‚ débarquer‚ juste les surprendre à l’improviste‚ tenir la partie. Il croit qu’en jouant le premier‚ on cogne pour les coups suivants‚ on ramasse l’avantage. Mais ceux-là‚ vous allez voir‚ ils ont appris. Vont l’encercler.


L’AMANT‚ MORT DÉJÀ. – L’ont vite marqué. Il peut rester silencieux‚ essayer de rester silencieux‚ le jeune homme secret‚ ce ne sera pas simple.


LE PÈRE‚ MORT DÉJÀ. – Lui reste toujours le coup de la fuite‚ l’a déjà fait. Lorsqu’il faudra qu’il donne plus‚ qu’il donne un peu‚ qu’il fasse ses preuves‚ qu’il réponde aux questions‚ pourra toujours s’enfuir à nouveau‚ cela ne m’étonnera pas. Avec moi‚ lorsque j’ai voulu le pousser‚ je ne sais plus comment on dit‚ les derniers retranchements‚ il a fui‚ c’est une solution.


L’AMANT‚ MORT DÉJÀ. – Je regarde. Je ne bouge pas. Je n’interviens pas. Je n’en ai pas les moyens. Je me pose par là‚ je m’assieds.


LE PÈRE‚ MORT DÉJÀ. – Je reste près de vous et je regarde aussi.


(...)


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