La Terre entre les mondes : Genèse de l'écriture
Par Métie Navajo, extraite de livre de la pièce, l’Espace 34.
J’ai écrit cette pièce à la suite d’une résidence au Mexique, avec Hector Flores Komatsu,
et Josué Maychi, respectivement metteur en scène et auteur-comédien maya du Collectif
Makuyeika. Nous nous sommes retrouvés dans la région natale de Josué Maychi, celle
de Campeche. J’ai rencontré les personnes et les paysages en écoutant les histoires
familiales : déforestations massives, culture intensive de céréales, cancers liés aux
pesticides, arrivée du narcotrafic dans une des rares zones réputées tranquilles d’un pays
où la violence est endémique. Les contrastes sont saisissants entre les zones touristiques
et les villages modestes où les populations « originaires » mayas, suivant l’expression
usuelle au Mexique, sont confrontées à une sécheresse dramatique.
Un jour où nous
explorions les alentours d’un de ces villages, une apparition : au milieu des plantations
de sorgho, une maison devant laquelle se tiennent une femme et ses deux filles, toutes
trois blondes, toutes trois vêtues de la même robe. Fissure dans le temps : les époques
semblent se superposer.
Je n’avais alors aucune clé pour comprendre cette image, je ne
savais rien de la présence nombreuse des communautés mennonites, ces descendants
des familles néerlandaises, allemandes, russes, rejetées par l’Église chrétienne pour leurs
croyances proches de celles des anabaptistes, qui ont quitté l’Europe et se sont installés
dans différents pays d’Amérique aux XIXe et XXe, au Mexique à partir de 1920. Ces
communautés vivent aujourd’hui encore suivant leurs propres règles : elles cherchent à
se tenir à distance de la violence et du progrès, avec, semble-t-il, beaucoup plus de
tolérance vis-à-vis de la modernité que leurs lointains cousins les Amish. Elles achètent,
déboisent et exploitent d’immenses terres dont les populations mayas ou métisses sont
le plus souvent dépossédées, tout en les employant. Cette famille blonde au milieu d’une
région maya, les plantations de soja comme seul monde : l’image n’a cessé de me
poursuivre quand j’ai écrit. C’est la mise en regard de deux manières spécifiques d’être
au monde qui constitue l’arrière-plan de cette pièce. Elle est fortement imprégnée de ce
que j’ai absorbé au cours du voyage, pour autant, mon intention n’a pas été de faire un
travail documentaire ou sociologique sur les relations entre communautés originaires et
communautés mennonites, qui appellerait un traitement naturaliste de la pièce.
Ce sont
les croyances mêlées des personnages de la fiction qui, se rencontrant, ont créé un
univers proche du conte, avec sa violence et sa tendresse, un entre monde dont la réalité
a quelque chose de magique, ou la magie quelque chose de très réel.
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