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La Cantatrice chauve

de Eugène Ionesco


La Cantatrice chauve : La Cantatrice et le théâtre, ou comment s'en débarrasser

Extrait du dossier Pièce (dé)montée rédigée à l'occasion de la mise en scène de Jean-Luc Lagarce. Voir le sommaire

Les surprises suscitées par une première approche de la pièce, il est temps d'avancer et de le dire aux élèves, sont bien sûr voulues pas l'auteur. Les intentions, même récusées parfois par Ionesco puis acceptées, sont largement parodiques. Ce théâtre classique est mis à mal par La Cantatrice, dans tous ses aspects dramaturgiques conventionnels. Passer en revue toutes ces entorses faites à la tradition, c'est en quelque sorte aussi l'occasion, pour une classe, de réviser son théâtre tout en s'en débarrassant, pour parodier le titre d'une pièce de Ionesco lui-même.
On s'attachera ici principalement à montrer comment ce sont le décor et l'intrigue conventionnels qui sont l'objet des attaques de l'auteur dans sa pièce.


Le décor


Faire lire la scène d'ouverture de La Puce à l'oreille (1907)


La comparaison entre la scène initiale du vaudeville de Feydeau et celle de La Cantatrice mettra en évi- dence les points communs entre les deux ouvertures et l'intention parodique, burlesque de Ionesco. Il s'agit du même intérieur anglais, mais détourné de son effet de réel. Le réalisme bourgeois du vaudevil- le est ridiculisé d'emblée par la didascalie : « feu anglais, silence anglais, coups anglais » et par le gag loufoque des dix-sept coups de la pendule, conclu par la première réplique : « Tiens, il est neuf heures. »



Prolongement


Demander aux élèves de faire des recherches sur le schéma récurrent des comédies de mœurs ou des vaudevilles.


L'idée est ici de mettre en évidence le parallélisme, toujours parodique, mis en place par Ionesco entre ce schéma conventionnel et celui de sa pièce. On pourra par exemple évoquer Le Dîner bourgeois, de Henri Monnier (1830) : un premier couple, les époux Joly, se querelle en attendant des amis ; la bonne arrive et vient aux ordres ; les amis font leur entrée et ressemblent beaucoup aux Joly...


L'intrigue


Mais c'est bien sûr surtout l'intrigue classique qui est la plus malmenée.


Faire lire aux élèves une scène d'exposition classique.


La comparaison d'une scène d'exposition conventionnelle, que l'on laissera au choix de l'enseignant, avec la scène I de La Cantatrice montrera à quel point celle-ci rompt avec les fonctions habituelles visant à apporter les informations indispensables à la compréhen- sion de la situation. Ce ne sont, chez Ionesco, que banalités, paralogismes, bref une caricatu- re et une inversion de la scène d'exposition classique.


Si on compare le monologue d'exposition réalisé par Mme Smith dans cette première scène avec celui de Cinna ou du Malade imaginaire, on se rend compte à quel point on est ici dans la cari- cature : idiotismes (« il aimera s'en mettre plein la lampe »), ton neutre, marqué par les bruits de bouche de M. Smith. Plus loin, le dialogue est scandé par les sonneries de la pendule, qui fait tourner à la parodie le temps dramatique tradi- tionnel. Les propos de cette scène, enfin, gra- tuits, sans cohérence, lui enlèvent toute valeur morale, psychologique.


Faire lire aux élèves le nœud d'une pièce classique.


Le nœud d'une pièce doit lancer l'action, cristal- liser le conflit, en faisant entrer en scène, par exemple, un personnage qui amène ce conflit (Tartuffe). Lorsque, dans la pièce de Ionesco, entrent en scène de nouveaux personnages, (scènes 2,3,4) aucune action ne se met en place. C'est donc un autre procédé classique du théâtre qui se voit parodié et réduit à rien.
La scène traditionnelle de reconnaissance (Hernani reconnu comme Juan d'Aragon) devient ici une scène bouffonne, absurde, lorsque les Martin se reconnaissent comme mari et femme alors qu'ils sont entrés ensemble chez leurs amis. De même, plus loin (scène 5), Mary n'a pas plus tôt révélé sa « véritable » identité de Sherlock Holmes qu'elle quitte la scène. Fausse reconnaissance, avortée.


Faire lire à la classe une scène de confrontation classique.


Rodrigue provoquant le comte (Le Cid), Ruy Blas s'en prenant aux ministres, telles sont quelques unes des scènes de confrontation traditionnelles du théâtre.
La scène 7 de la pièce de Ionesco s'attache à les caricaturer : l'intrigue ne progresse nullement quand le dialogue s'attache à rapporter une anecdote plate, celle d'un homme qui relace ses souliers, ou un débat stérile, celui de savoir qui a sonné.


Nous ne quittons jamais la platitude. Et ce ne sont pas les scènes suivantes qui nous démen- tiront, lorsque les personnages s'attachent à rapporter des fables absurdes, qui ne peuvent tenir lieu de péripéties ou d'épisodes. Loin de faire progresser l'action, ces fables accroissent la confusion du spectacle.


Mettre en parallèle le final de la pièce avec celui d'une pièce classique.


Le dénouement d'une pièce traditionnelle vient résoudre les conflits de manière inattendue. Le climat doit s'en trouver apaisé. Ici, c'est l'inverse qui se produit, on monte jusqu'à un paroxysme, qui se résout par un retour à la scène initiale. Autant dire que ce final ridiculise et fait exploser cette dernière convention, pourtant essentielle dans un théâtre classique.
Du point de vue de la dramaturgie, La Cantatrice est bien cette structure vide, cette anti-pièce annoncée par le sous-titre et les élèves doivent désormais se sentir plus à l'aise dans un texte d'abord déroutant. Ils doivent être armés pour rire de la parodie...


Prolongements


Exposés faits par les élèves, en groupes, sur les différents genres de théâtre en 1950, en France : théâtre bourgeois de Montherlant ou Anouilh ; théâtre de la distanciation de Brecht, théâtre de l'engagement de Camus ou Sartre, théâtre rituel de Artaud, nouveau théâtre : Beckett, Adamov.


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