Dans l’épicerie, on trouve l’épicière, la maman, la chef, celle qui nourrit, en plus des clients de son commerce, toute la petite famille : Patrick, son jeune garçon et Yvette, sa fille, celle qui peut nous raconter aujourd’hui cette histoire, maintenant qu’elle est devenue grande. Car du personnage d’Yvette à l’auteur Chantal Joblon, il n’y a qu’un seuil d’épicerie à franchir, celui tant de fois traversé par les amis, les voisins et les autres, bref le monde extérieur. À l’intérieur, tout va trop vite, se répète : les gestes et les mots, en mal d’attention et d’amour, se vident de leur sens. C’est ce langage fascinant de brutale poésie, d’apparente pauvreté et banalité, que nous livre l’écriture de Chantal Joblon. Dans un style unique, elle nous fait partager le théâtre de gens simples à qui la vie offre l’héroïsme du quotidien, dans ses instants les plus beaux, les plus terribles et comiques. Portée par la vitalité du jeune metteur en scène, Julien Pillet, et sa réjouissante « famille » d’acteurs, cette verve tragico-drôlatique nous trouble autant qu’elle nous submerge.