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Couverture de Juste la fin du monde

Juste la fin du monde

de Jean-Luc Lagarce


Juste la fin du monde : Par Les villages, Régy, 1983

Extraits inédits du Journal

En 1983, Jean-Luc Lagarce assiste à la représentation à Chaillot de la mise en scène de Claude Régy.
A travers un extrait inédit de son journal on découvre l'importance de cette découverte et l'influence de la pièce dans son projet d'écriture. C'est bien aussi la confirmation de la filiation avec Retour à la citadelle.
(Note rédigée par François Berreur.)

Extrait publié in Journal 1


novembre 1983


Par les villages de Handke à Chaillot‚ mis en scène par Régy. Ça me renvoie durement et durablement à mon incapacité à écrire ça (le 27). Saignements de nez. Maux de crâne.



La publication des premiers cahiers du Journal reprend le résumé effectué par Jean-Luc Lagarce.



Extraits inédits du Journal de Jean-Luc Lagarce


Ci-après le détail du jour transcrit du cahier original manuscrit.


Dimanche 27 novembre 1983


Paris, avenue des Gobelins, 16 heures


Théâtre (hier soir) au Théâtre de Chaillot, Par les Villages de Handke, mise en scène de Claude Régy avec entre autres Suzel Goffre, Christine Boisson, Claude Dégliame, Muni et un type peu connu (ou inconnu) Milloud Khetib.


Un spectacle très difficile (4 heures 20) sans presque un mouvement tout fait d’équilibres où les acteurs ne se déplacent qu’à peine… une main, un pied… pour dire une histoire superbe et terrible de deux frères et d’une sœur. Handke (Gregor) revient au village où il a vécu, où vivent encore sa sœur et son frère. Son frère est ouvrier, sa sœur est vendeuse.


Et c’est l’affrontement et la difficile preuve d’amour. La volonté de donner sans faire mal, et donner, c’est déjà faire mal.


C’était difficile. Je suis sorti de là broyé, rompu. L’attention nécessaire au texte, l’intelligence de la mis en scène (la tragédie qu’elle met en scène).


Plus de la moitié de la salle (et c’est immense) est sortie, et c’est compréhensible


Mon incapacité à écrire ça (Retour à la citadelle). Mon incapacité à parler de et à mon frère et ma sœur. Le pouvoir des mots.


J’en reparlerai. (Peut-être ou peut-être pas. C’est entré dans mon esprit et ça va y faire son chemin.)



Lundi 28 novembre 1983



Handke, Régy, Par les villages, le discours sur le travail de l’écrivain (retrouvé dans mes papiers) tout cela emplit ma nuit de samedi et ma journée de dimanche.


Long article aujourd’hui sur le spectacle et long article de Régy dans Libération.


A propos de la fin de spectacle :


  • (…) et un discours magnifique de dire aux hommes que tout n’est pas fini, qu’il y a peut-être une autre manière de vivre que celle qu’ils acceptent et en tout cas de leur dire, qu’il feraient bien d’y penser parce que le temps de notre vie c’est maintenant et que c’est ce temps qu’il faut vivre, qu’on a peut-être mieux à faire que de le vivre dans le désespoir, la destruction totale. (Claude Régy)