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Couverture de Juste la fin du monde

Juste la fin du monde

de Jean-Luc Lagarce


Juste la fin du monde : Pistes proposées

pour bâtir une séquence complémentaire

1 - Intérêt pédagogique du regroupement de textes


En problématisant le groupement de textes autour de l’irruption du tragique dans la sphère familiale, on replace la pièce de Lagarce dans sa filiation originelle : le retour (dimensions mythologique, sacrificielle, politique, symbolique, psychologique, etc.) On propose ici un choix de textes reprenant la relation frère-sœur dans les œuvres théâtrales les plus représentatives.


Présentation succincte des enjeux de chaque texte :


Electre et Oreste :


Scène de reconnaissance. Après s’être fait passer pour un mendiant, Oreste dévoile à sa sœur sa véritable identité. La « machine infernale » peut se mettre en route : l’identité d’Oreste garantit ainsi la « pureté » de ses intentions : il est venu à Mycènes pour venger la mort de son père Agamemnon et délivrer Electre de l’emprise du couple Clytemnestre/Egisthe. Le retour d’Oreste s’opère donc sur un mode sacrificiel.


Horace et Camille :


Scène de crime d’honneur. Le retour d’Horace, victorieux des trois frères Curiaces en un combat singulier, lui vaut les louanges du peuple romain. Grâce à sa vaillance et à son intelligence, Rome a triomphé de sa rivale, Albe. Camille, fiancée malheureuse d’un des Curiaces, ne veut pas se résigner à la mort de celui-ci. Horace, ivre de sa victoire, n’en accepte pas la contestation, fût-ce au nom de l’amour. La mise à mort de Camille découle de cette logique folle et implacable.


Adrien et Mathilde :


Scène de bagarre. Dans la pièce de Koltès, Mathilde revient d’une Algérie déchirée par la guerre pour récupérer sa part d’héritage : la maison où vivent son frère Adrien et les siens. Le retour de Mathilde dans la maison de l’enfance provoque l’écroulement des valeurs auxquelles se réfère Adrien, par ailleurs membre de l’O.A.S. Ainsi l’autorité du frère est contestée de toutes parts : par le départ de son fils Mathieu en Algérie comme parachutiste, par la perte de l’Algérie française, par la vente de l’usine paternelle dont il avait hérité. L’extrait proposé marque le paroxysme de cette évidence : une altercation violente avec sa sœur.


Louis et Suzanne :


scène de retrouvailles. Le retour de Louis est vécu par Suzanne comme un retour en grâce du grand frère qui s’était éloigné d’elle. Son absence durant de longues années suscite les reproches de Suzanne : la relation épistolaire qu’il entretenait avec les siens n’était qu’un prétexte, aux yeux de la jeune fille, pour tenir à distance de sa famille l’extraordinaire de sa vie. La petite musique de Suzanne sur le thème des « lettres elliptiques » devient en quelque sorte la métaphore de cette absence.


Le retour du « jeune frère » ou « du fils » dans J’étais dans ma maison est plus signifiant encore, puisque ce retour s’achève par un état d’épuisement total. Porté par les femmes, le jeune homme se repose (ou repose ?) dans sa chambre à l’étage. Le chœur des femmes en bas (autre référence à la tragédie classique, à cette « pavane » dont Lagarce parle dans ses notes d’intention) constitue la matrice théâtrale proprement dite. La comparaison de cet extrait avec celui de Juste la fin du monde permet de poser aussi la question de la réécriture : le silence de Louis sur sa mort prochaine est ainsi réifié par la chambre dans laquelle les femmes l’ont alité. La chambre à l’étage, que le spectateur ne verra pas, alimente le mystère sur les raisons de ce retour.


Quelques mots sur les documents annexes :


La contribution d’Hélène Kuntz, extraite de Jean-Luc Lagarce dans le mouvement dramatique, insiste sur la notion de drame dans les deux pièces : Juste la fin du monde et J’étais dans ma maison... Dans cette dernière, tout est joué d’avance, puisque le jeune homme est endormi. L’essentiel du drame se joue dans l’attente, dans l’évocation du passé. Le parallèle entre les deux œuvres est donc stimulant pour comprendre pleinement les enjeux de l’écriture et l’évolution du personnage incarnant le retour.



2 – Questions de travail en classe


Dans le texte A : Sophocle, Electre


- Comment l’effet d’attente est-il exploité jusqu’à la reconnaissance d’Oreste par sa sœur ? Comment, d’un point de vue théâtral, la scène peut-elle être jouée pour ménager cet effet ?


Dans le texte B : Corneille, Horace


- Etudiez le discours de Camille dans le texte B : quels mots reviennent le plus souvent ? Quelles sont les images les plus signifiantes ?
- Etudiez les différents registres de la scène : comment Corneille les utilise-t-il, et à quelles fins ?


Dans le texte C : B.M. Koltès, Le Retour au désert


- Quelles formes revêt la dispute entre Adrien et Mathilde ? Quelle fonction peut-on attribuer aux domestiques qui observent la scène ?
- En quoi le personnage de Mathilde peut-il être assimilé aux femmes insoumises qu’on rencontre parfois au théâtre ? Quelles sont les héroïnes auxquelles vous pourriez la comparer ?
- Comment comprenez-vous l’expression récurrente : « Je défie » ?
- En quoi cette scène peut-elle être une scène de comédie ?


Dans le texte D : J.L. Lagarce, Juste la fin du monde


Comment vous expliquez-vous le silence de Louis ? Etudiez les modalités énonciatives du discours de Suzanne pour répondre à cette question.


Dans le texte E : J.L. Lagarce, J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne


Que symbolise la chambre d’enfant ? Quelle comparaison peut-on établir entre cet extrait et celui de Juste la fin du monde ?



Ecriture :


Dans la scène d’Electre, demander aux élèves d’écrire toutes les didascalies (lieu, décor, déplacements). Cela leur permet de poser la question du plateau :
- Faut-il un décor réaliste ou au contraire utiliser des éléments métonymiques ?
- Quel sera le parti pris de la mise en scène ?
- La transposition de la tragédie à notre époque est-elle possible ?
- Comment la justifier ?
- Quels costumes les comédiens porteront-ils ?



3 – Petits exercices de mise en jeu des textes :


A - La tirade de Suzanne


Fractionner la tirade de Suzanne en autant de répliques qu’il y a d’élèves dans la classe. Les distribuer à un groupe d'élèves. Faire tirer au sort une réplique à chaque élève. Une partie d'entre eux se met en cercle, yeux fermés, tandis que l'autre vient lui chuchoter sa réplique à l'oreille. Une fois ce parcours effectué, on inverse les rôles.


Objectifs de l'exercice :
- Permettre à chacun d’écouter le texte dans la plus grande concentration
- Tous les élèves sont impliqués dans le jeu
- Entrée sensible et sensuelle dans le texte (voix, souffle)



B - Faire lire à voix haute les répliques d’Horace et de Camille


Faire lire à voix haute les répliques d’Horace et de Camille en proposant plusieurs consignes ludiques :
- Consignes de débit : lire les répliques le plus lentement possible puis le plus rapidement possible.
- Consignes d'intensité : hurler le texte (comme si on était dans un meeting ou sur la place d'un marché), puis le chuchoter.
- Consignes de hauteur de voix : le lire avec une grosse voix grave, puis avec une petite voix aigue.
- Consignes d'état : lire le texte avec colère, avec peur, avec joie, avec étonnement, avec souffrance
Essayer des états très contradictoires pour ne pas verrouiller a priori le ou les sens du texte.


C – Travailler l'adresse :


Lire pour soi-même quelques vers d’une tirade d’Horace ou de Camille, puis les adresser à quelqu'un en particulier, puis à tous (regard circulaire). Cette technique a pour but de travailler les états du texte et de mettre en bouche des vers difficiles à dire ; autre avantage : apprendre à « casser » la monotonie de l’alexandrin par les effets de voix.



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