theatre-contemporain.net artcena.fr

Couverture de Incendies

Incendies

de Wajdi Mouawad


Incendies : Colère inaugurale

Extrait du dossier Pièce (dé)montée rédigée à l'occasion de la mise en scène de Stanislas Nordey

Le testament vient d’être lu, s’en suit un long silence et Simon prend la parole. Première tirade et détonation, des mots comme des tirs de kalachnikov. Alors qu’il ignore l’histoire de sa naissance et celle de son pays, Simon le boxeur tape sur les mots pour faire jaillir sa rage. Le collage de nombreuses insultes parfois québécoises, – les mêmes mots s’adaptant au sens de la phrase et changeant ainsi de classe grammaticale (« crisse », « crisser », « décrisser ») – forme un ensemble bigarré et gigantesque, une espèce de monstre insensé pour dire le manque d’amour et le désespoir.
« C’est ce sentiment d’inexistence (parce qu’exister obligerait à assumer trop d’incohérence) qui, depuis une douzaine d’années, me fait écrire des pièces de théâtre pour les mettre en scène : rassembler des comédiens, leur mettre des mots, mes mots, mes hurlements dans le corps, leur injecter par intraveineuse cette insatiable soif de l’infini dont parle Lautréamont et qui depuis toujours me fait vibrer, les contaminer d’une rage, d’un composé de colère pour qu’à leur tour, sur scène, parce qu’habités d’une rage et d’une peine devenues un véritable virus, une véritable maladie contagieuse, ils puissent contaminer le public de cette rage et cette colère, de toute cette enfance éclatée, notre enfance, comme un couteau, qui nous est resté dans la gorge. » (Le Poisson-soi.)


Décrivant le processus de création dans Le Poisson-soi, Wajdi Mouawad évoque quasiment une fusion entre l’auteur, les comédiens et les spectateurs, tous trois traversés par la même colère selon un principe de réaction en chaîne. Il semble d’autre part, que cette violente émotion éprouvée à l’origine par l’auteur soit la résultante d’un certain vécu.


On se propose donc pour finir, de travailler la question de l’émotion. La colère de Simon ouvre la pièce comme celle de l’auteur donne naissance à l’écriture. Nourris par la lecture de l’ouvrage de Jean- François Dusigne13, nous allons tenter de montrer que la colère du personnage est d’abord une réaction et qu’elle repose sur une relation.


– Un élève est seul sur scène. Il doit manifester de la colère. Après plusieurs improvisations, on constate que cette émotion est la conséquence d’une situa- tion. On en identifiera les différentes origines (un personnage absent, un phénomène physique, une injustice, le public...).


– La même consigne est proposée à la seule différence qu’on introduit une chaise sur le plateau. L’objet va très vite devenir l’élément qui génère ou reçoit la colère. On remplace à ce moment-là la chaise par un autre comédien. Le premier acteur doit conserver vis-à-vis de son partenaire le même investissement corporel qu’il avait face à la chaise.
Les élèves découvrent ensuite la deuxième scène d’Incendies. On mettra l’accent sur la réaction des deux jeunes gens suite à la lecture du testament. Si Jeanne reste muette, Simon ne peut réprimer sa rage. On peut observer de quelle manière les diverses interventions d’Hermile Lebel relancent constamment la révolte du jeune homme. Le notaire se montre extrêmement conciliant, il tente de raisonner le fils de son amie mais la colère de Simon est inaltérable et trouve en la personne de l’exécuteur testamentaire l’occasion d’être projetée et amplifiée.



– On demande alors aux élèves de proposer la mise en scène d’un court extrait de la scène (une dizaine de lignes environ) qui mette en valeur la relation entre les personnages et les réactions qu’elle provoque.


Selon le passage choisi et le jeu des élèves, l’effet produit pourra peut-être s’avérer comique. Ceci permettra une nouvelle fois de questionner la relation qui s’établit entre les personnages mais aussi celle avec les spectateurs.



– Autour de cette question de la colère, on pourra éventuellement proposer à la classe de visionner une séquence du film La Graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche.


La jeune comédienne Hafsia Herzi y interprète des scènes de dispute mémorables. Elle est habité par la colère qui va et vient comme une vague.

Cécile Roy


imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.