OMÉGA DREAM. - Où étais-tu donc pendant toutes ces rumeurs, pendant toutes ces années ?

SÉGHAR. - Je marchais, de quartier en quartier, de ville en ville, dans la nuit, quand personne ne voyait, cherchant le moyen de partir. Dans la journée, j'ai trouvé le moyen de vivre transparent, invisible. Mais le pays est ce qu'il est. Il ne te donne rien pour rester, pourtant il met des cales sur ton chemin pour t'empêcher de partir. Chaque jour, un nerf qui craque, une armée de vertiges, la même rotation, ça fait péter les fils. Il me semble que dans mon abîme je suis descendu loin, le plus loin, sur cette terre qui m'a vu naître.

OMÉGA DREAM. - Je ne comprends pas.
Pourquoi t'as fait ça ?

SÉGHAR. - Tu oublies tout ce que nous avons fait pour que je parte ? Prêts, gages, hypothèques, engagements tu oublies ? Ma boutique vendue ? Mon père ruiné ? Il m'avait dit : « C'est rien. Va, rapporte-moi la tête du monde ! » Puis le monsieur, celui qui m'avait vendu la route, qui disait avoir le réseau, il ne s'est jamais pointé à l'aéroport. Mon père, ma mère, moi, toi dans le hall. Je n'avais plus qu'une alternative, j'ai choisi de truquer vos regards ! Facile, car toi et moi passions toutes nos journées là-bas à regarder les avions décoller. Puis j'ai commencé à me cacher, espérant que le type m'appellerait. Juste deux heures, deux heures juste que j'ai tenu mon passeport, plus jamais revu...

OMÉGA DREAM. - ...

SÉGHAR. - Cigarette ?

OMÉGA DREAM. - ...

SÉGHAR. - Ça fait du bien !
Vingt-trois ans que je cherche à me soulager, à me confier à quelqu'un, à dire la vérité, sans me cacher.

OMÉGA DREAM. - Foutaises ! Tu savais où me trouver, tu savais que je te comprendrais, personne au monde ne pouvait te comprendre mieux que moi.