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Bataille navale, Jean-Michel Ribes


Blandaimé. Vous vous noyez ? ... Plantin ? ... Êtes-vous en train de vous noyer ?... Je ne vous entends pas... Plantin répondez !


Plantin que l’on découvre sur la partie droite du radeau.


Plantin. Je scrute.


Blandaimé (l’apercevant). Vous pourriez prévenir, mon vieux, c’est agaçant à la fin ! J’allais jeter la bouée.


Plantin. Ça n’aurait servi à rien, je scrute !


Blandaimé. Oui, mais enfin comment voulez-vous que je le sache moi que vous scrutez, vous faites le même bruit que quand vous vous noyez... Alors déjà que je m’époumone à vous envoyer vingt fois par jour cette bouée parce que vous êtes incapable de tenir plus d’une demi-heure debout sur ce radeau sans tomber dans l’eau, si en plus il faut que je vous la jette quand vous ne vous noyez pas !


Plantin. Faisons comme avant.


Blandaimé. Qu’est-ce que nous faisions avant ?


Plantin. Quand je commençais à glisser et que je sentais que j’allais me noyer je criais : « Au secours, au secours ».


Blandaimé (affolé). Oh là, oui, oui, je me souviens... C’était horrible ces braillements, ce tohubohu... non surtout plus ça... non continuez à vous noyer en silence... par contre si vous ne scrutez pas plus de deux à trois fois par jour...


Plantin. C’est à peu près le rythme que je m’impose.


Blandaimé. Parfait, alors dans ce cas c’est quand vous scrutez que je vous demanderai de crier « au secours, au secours ».


Plantin. Ça déconcentre mais si vous y tenez absolument.


Blandaimé. Oui vous êtes gentil, c’est pour éviter la confusion, comme ça, quand j’entendrai « au secours, au secours ! » je saurai qu’il ne faut pas que je vous envoie la bouée.


Bataille au sommet, Roland Topor


Michel. Où ils sont, les sherpas ?


Robert. Morts. J’ai crevé le dernier à dix mètres. Il a décroché sans dire un mot, sans un cri. Affreux.


Michel. Pourquoi ne pas vous reposer encore un peu. Asseyez-vous, buvez une coupe de champagne.


Robert (agacé). Non merci, je ne bois jamais de champagne au cours d’une ascension.


Michel (allumant une cigarette). Et je suppose que vous ne fumez pas ?


Robert. Exact.


Michel. C’est bien. Pas de cancer, pas de cirrhose. Dommage.


Robert. Quoi dommage ? Qu’est-ce qui est dommage ?


Michel. Asseyez-vous.


Robert. Non, j’y vais. Salut. (Il s’apprête à grimper.)


Michel. Votre piton ne tiendra pas.


Robert. Qu’est ce que vous racontez ?


Michel. Il est mal enfoncé, tirez dessus pour voir.


Robert (il veut éprouver la stabilité de son piton qui lui reste dans la main). Merde ! Vous avez raison.


Michel. Vous voyez. Asseyez-vous.


Robert. Non, je vais le planter ailleurs. Merci du conseil.


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