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Couverture de Anatomie de la gastrite

Anatomie de la gastrite

de Itzel Lara

Texte original : Anatomía de la gastritis traduit par David Ferré


Anatomie de la gastrite : Entretien avec l’auteure

Propos recueillis par Charlotte Lagrange avec la collaboration de David Ferré

D’où est venue l’idée d’écrire ce texte ?


J’ai écrit la première scène d’Anatomie de la Gastrite pour un concours de théâtre espagnol dont l’enjeu était d’écrire une scène qui commence et nisse par la même phrase. Finalement je ne l’ai jamais envoyée. Et, à peu près un an plus tard, ma mère est entrée dans la phase terminale d’une maladie. A peine elle a été hospitalisée qu’elle a souhaité mourir. En n de compte, elle est sortie de l’hôpital deux jours plus tard, en continuant à dire qu’elle voulait mourir. J’ai écrit le texte en une semaine dans la colère. Une colère envers la vie et envers ma mère. Parce qu’elle ne voulait plus vivre, plus lutter, plus rien. À ce moment-là, j’ai tellement somatisé que j’ai fait des gastrites à répétition.


Est-ce qu’on peut dire que ce texte est autobiographique du coup ?


Dans le ressenti oui. Mais dans le récit non.


Dans la fiction, ce qui change, c’est que c’est un père qui a envie de mourir. Mais ce n’est pas seulement cela que la fille lui reproche, elle lui reproche d’avoir tué sa vache -


Oui elle lui reproche une non-acceptation voire une détestation. La vache est un symbole et une métaphore. Alors que le père voulait un ls, il a eu une lle. La vache, la lle et lui forment une espèce de triangle amoureux ou plus exactement freudien. Comme il n’a pas eu de ls, et qu’il travaille dans les abattoirs, il va s’attaquer plus précisément à la vache de la fille.


Il y a une chose sur l’horreur de tuer une vache, horreur qu’on retrouve dans la manière de tuer le père. Au-delà de la colère qu’il y avait pour ta mère qui voulait mourir, y’a-t-il une critique du côté meurtrier des hommes ?


C’est plutôt sur la question relationnelle, d’abord sur la violence qu’exerce le père sur la lle. Qui est plutôt une façon de détruire tout ce qui semble être important pour la lle. Et la lle, elle, est fatiguée d’être à la recherche de la reconnaissance de son père. Donc, en n de compte, elle fait la même chose d’une autre manière : elle annule le père, elle annule son existence.


Est-ce que dans son parcours, cette jeune femme redevient sensible à l’existence de l’autre ?


C’est plutôt le contraire. Je le vois plutôt comme une impossibilité à accepter qu’en n de compte, son père est important pour elle. Elle n’est pas capable de pleurer pour son père. Mais elle le peut, pour le chat de son père.


Dans ton texte, il y a deux plans : un rapport aux animaux et rapport aux humains. Est-ce que tu cherches à les travailler en parallèle ou à les confronter l’un à l’autre ?


Au début, j’ai travaillé sur la douleur de la fille. En explorant la trace de cette douleur, les deux plans sont nés dans l’écriture. C’est donc d’abord symbolique. Mais pour le personnage, le rapport aux animaux est une compensation. Comme ça ne marche pas avec les hommes, elle y substitue les animaux.


Le texte ne suit pas une stricte chronologie, mais les étapes d’une maladie. Comment la gastrite peut-elle organiser l’histoire ?


En fait j’ai voulu initialement présenter le texte comme un espèce de glossaire sur la gastrite, presqu’un alphabet. Je l’ai ensuite organisé de façon chronologique comme une dissection des différentes étapes de la maladie. Comme la gastrite est en relation immédiate avec des éléments du passé et du présent, ce sont les manifestations successives de la maladie qui font ressurgir les scènes passées ou présentes de l’histoire du personnage.


Ta gastrite à toi a fini par être soignée ?


Oui, j’ai réussi. Mais tout ça a à voir avec des processus spirituels. Juste après l’écriture de ce texte, j’ai commencé à faire des recherches sur les philosophies orientales qui expliquent que la gastrite est une manifestation de la colère. Donc je suis plutôt passée en mode zen !


Est-ce que l’écriture aide à ce processus spirituel qui fait sortir la colère ?


Je pense que l’écriture nait de la douleur et n’enlève pas la douleur, mais la rend supportable.


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