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Couverture de À l'Ouest

À l'Ouest

de Nathalie Fillion


À l'Ouest : À l’origine…

À l’Ouest est née deux ans après l’écriture de Les Descendants, pièce courte, qui avait été commandée à Nathalie Fillion par la Comédie Française en 2007. Le thème alors proposé était la famille.
Dans À l’Ouest, la famille n’est pas le sujet de la pièce. Elle le lieu, le champ où l’action se déploie. Elle est la cellule sociale proposée, l’espace des relations tissées et des enjeux. Elle est ici très élargie, mondialisée. Elle interroge une nouvelle réalité, de nouveaux liens, de nouvelles fraternités, de nouvelles filiations. La famille est posée comme un paysage connu, un terrain commun - un terreau fertile à d’autres sujets.

Dans Les Descendants déjà, elle avait eu envie d’interroger le rapport fluctuant, irrationnel à l’argent, au sein d’une famille de la classe moyenne française actuelle. Pas la bourgeoisie historique, mais plutôt ces gens embourgeoisés matériellement, presque à leur insu.
Un an après Les Descendants, la crise financière éclatait en une série de coups de théâtre extraordinaires, joués à l’échelle planétaire. Une aubaine pour l’écrivaine.
Dans Les Descendants, cette crise était là en germe, dans les délires et désirs exponentiels de Jean, dans sa perte de réalité, et dans cette perception totalement subjective de notions sensées être objectives : la richesse et la pauvreté.

Le projet de À l’Ouest était né. On y parlerait d’argent. Entre autres…

L’argent possède cette double qualité d’être à la fois une chose très concrète, mais aussi totalement abstraite, jusqu’au virtuel. La crise financière a mis en scène pour nous toutes ces dimensions, simultanément et magistralement, avec le grand talent de l’Histoire et sa froide ironie. La crise est l’accident libérateur, l’événement déclencheur qui permet ici de parler d’argent. Crûment. Directement. Sans métaphore.
L’argent et ce qu’il permet. Ce dont il prive, aussi, quand on en manque.
Mais parler d’argent, c’est toujours parler d’autre chose. C’est par là même un sujet éminemment théâtral, une double, triple parole potentielle.

Suis-je pauvre ? Suis-je riche ? Au regard de qui ? De quoi ? De quelles réalités ? De quels fantasmes ? Qu’est-ce que l’argent ? Qu’en faisons-nous ? Que fait-il de nous ?
Et face à quoi est-on à vingt, quarante, ou soixante-dix ans aujourd’hui, quand on vit ici, dans la classe moyenne, en Europe occidentale, dans un pays riche et en crise ?

Voilà les questions qui sous-tendent la fable, sans réponses définitives. Ces questions s’appuient sur les contradictions des personnages face au phénomène argent, contradictions d’un petit monde, repérées depuis longtemps, mais que jusqu’ici je ne savais pas comment aborder théâtralement. — Le moment est arrivé. Le système dans lequel nous vivons s’est lui-même mis en crise. Et par là, c’est bien notre capacité humaine à nous mettre nous-mêmes en crise que cet événement révèle. Comme si toute fabrication humaine, même la plus mécanique, la plus conceptuelle, portait en elle sa part d’humanité. C’est l’humain qu’il me plaît de regarder en face, et non accuser la machine qu’il a fabriquée.
Dans À l’Ouest, chacun est en crise, à un moment donné. Parce que c’est du théâtre, et donc une métaphore. Mais aussi parce que personne n’est étanche, et que l’état d’incertitude du monde fait écho à d’autres incertitudes plus secrètes, à d’autres crises, plus intimes…

Dossier pédagogique, Les Célestins Lyon