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Pink Boys and Old Ladies

de Marie Henry


Pink Boys and Old Ladies : Le carnaval des parents

par Olivier Goetz

Il y a quelques années de cela, en 2012 je crois, une image avait fait saillie dans le paysage médiatique, notamment celui des réseaux sociaux. On y voyait un homme accompagner son fils à l’école, tous deux vêtus d’une jupe. Le jeune père exprimait ainsi sa solidarité avec le garçon de cinq ans qui, trop jeune pour s’imposer, avait besoin de son soutien. Quant à l’enfant, il aurait répliqué à ses petits camarades prompts à la moquerie : « La seule raison pour laquelle vous n’osez pas porter de jupe ou de robe, c’est parce que vos papas n’osent pas non plus ».


À Berlin, où elle se passait, la scène n’avait suscité aucun scandale mais, ayant dû déménager dans une petite ville de l’Allemagne du sud, la famille de l’enfant eut à affronter un état d’esprit beaucoup plus rétif, celui-là même qui, simultanément, exprimait bruyamment, en France, son opposition au mariage pour tous et à la « théorie du genre ».


Il est probable que cette anecdote ait inspiré à Marie Henry le sujet de Pinks Boys and Old Ladies. La pièce tourne autour d’un petit garçon qui, lui aussi, ne veut plus porter que des robes. Pour autant, la poétique du texte tient à distance l’actualité.
La question sociale, si question sociale il y a, prend la dimension d’une fable plaisante dont les pittoresques personnages parlent la langue d’un théâtre expressif et savoureux. Si l’origine de la transgression vestimentaire agite la famille de l’enfant (« Un jour l’arrière-grand-mère a dit : tout est prédestiné. - Et j’ai répondu : et tout ça est de ta faute vieille carne. »), l’éthologie du travestissement enfantin n’est pas le sujet traité. L’un des personnages (le père, la sœur ? qu’importe) à qui un autre dit « je confonds toujours l’inné et l’acquis », répond : « Ç’est pas grave, c’est presque pareil ».


Un peu comme dans Les Enfants, le film de Marguerite Duras, la position enfantine est souveraine ; elle remet à sa place l’« idiotie » de la société. Face au génie de Normand (c’est le nom du petit garçon), à sa fierté native, les parents n’ont plus qu’à reconnaître humblement la faillite des conventions. N’en va-t-il pas de même au théâtre quand celui-ci se présente comme la patrie de l’enfance ? Les liens de parenté, de filiation, de prédestination et de libre arbitre sont obsolètes dès lors que l’imagination prend le pouvoir. Les enfants, même quand il s’agit de garçons habillés en filles, ne sont jamais ridicules, contrairement aux familles qui véhiculent les angoisses liées à des valeurs obsolètes :
« - Nous devrions reporter la réunion de famille annuelle à Carnaval. / Pense la sœur / Mais personne ne comprend son humour. »


Marie Henry a un véritable talent pour inventer le vocabulaire et la syntaxe d’un univers qui chatoie dans sa décrépitude. Sans doute parce qu’elle conserve elle- même cet esprit d’enfance dont nous avions déjà pu prendre la mesure, il y a quelques années (avec Come to me comme tout le monde, présenté à la Mousson d’hiver), et que nous retrouvons ici, intact, dans sa nouvelle pièce.



Mousson d'été 2017, Olivier Goetz, Temporairement contemporain N°2, 25 août 2017



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