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: Note d'intention

L’écriture de Mathias Énard

Dans cet ouvrage, Mathias Énard construit un monologue mental et plonge le lecteur dans une langue riche qui, dès le premier mot, nous embarque dans un voyage labyrinthique, entre mythologie et modernité, actualité et histoire, entre politique et géographie, entre l’intime et le public.
A travers cette phrase de 500 pages, nous découvrons la vie intime, les doutes, les pensées d’un homme.
Ce récit incarné et très humain nous a donné envie d’amener ce personnage, certes ambigu, sur un plateau, mais c’est justement l’ambiguïté de ce personnage qui a suscité notre intérêt.


Le lecteur prend le train avec Francis et commence un voyage intérieur. Dans un langage à la fois simple et sophistiqué, nous passons d’une réflexion sur l’amour, sur la condition humaine au récit précis et recherché de la bataille de Lépante, pour revenir sans transition au souvenir de ses vacances à l’occasion de la traversée en région de Lombardie, puis survient un détail qui le fait penser à Alexandrie. Et sans virgule, sans crier gare, alors que le train traverse Reggio d’Émilie, Mathias Énard évoque cette plaque, apposée sur le mur de la synagogue où sont inscrits les dix noms des juifs déportés de Reggio d’Émilie. Cette rafle nous rappelle une fois de plus la ténacité et la triste réalité de cette période.


La construction de ce texte et l’écriture de Mathias Énard nous sont apparues comme un médium formidable pour une expérience de plateau à partir d’un roman aussi riche en informations, en réflexions en anecdotes, mêlant à la fois faits réels et fictions.


Comme tout roman ou texte non théâtral, une adaptation est nécessaire car il est impossible de tout dire de Zone sur scène et cette adaptation demande un réel questionnement sur la direction à prendre face à la multitude de chemins possibles. Il ne nous suffit pas de raconter l’histoire de Francis, il nous a fallu nous-mêmes inventer notre écriture de plateau à partir de la création de Mathias Énard et ainsi inventer notre propre trajet.


L’écriture de Matthias Énard fait écho à notre propre histoire. Nous sommes de la même génération que l’auteur qui nous parle d’un personnage qui aurait pu être l’un de nos amis, ou un proche.
Une proximité existe entre lui et nous, nous avons l’impression de connaître Francis, et à travers ses mots nous ressentons son interrogation sur la guerre, sur l’engagement, sur la question que l’on peut tous se poser, comment être face à l’horreur et à la bêtise humaine, a-t-on une possibilité d’agir? de réagir?


Face au monde et à ce patrimoine commun qu’est la guerre, comment nous, hommes, nous situons-nous?
Comment vivre notre impuissance face aux conflits, aux exactions, à l’horreur de la guerre qui renvoie à l’individu qui commet ses actes face à l’autre défini comme l’ennemi, l’étranger, celui qu’on ne comprend pas et avec qui on ne peut pas vivre.
Ce roman questionne sur les raisons qui poussent un homme à s’impliquer dans un conflit armé, pour le goût de la violence, une utopie nationaliste, une crainte de l’autre...
Il est utopique de penser un monde sans conflits, mais il est nécessaire de s’interroger sur sa responsabilité d’homme, sur les limites de ce qu’on est prêt à accepter, et jusqu’où chacun de nous peut aller.

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