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Yvonne, Princesse de Bourgogne

mise en scène Jacques Vincey

: Note dramaturgique

Je me demande s'il ne s'agit pas plutôt de... d'une insupportable curiosité..., tu sais, comme quand on tripote un ver de terre avec une brindille pour mieux l'observer.
(Acte 2)


De Gombrowicz, on retient souvent – et à juste titre – l’humour. Il y a du Ubu dans la cour royale d’Yvonne ; il y a, jusque dans le titre, de la parodie. Gombrowicz lui-même, dans une note liminaire, indique que « la pièce ne doit pas être jouée trop au sérieux », invite à « neutraliser la trame désagréable de la pièce » par « les éléments grotesques et comiques » qu’elle con-tient. De cette histoire de meurtre collectif par le haut, il ne faudrait pas oublier de rire.


Dans son refoulement de la violence, la réception de la pièce résonne ainsi étrangement avec la pièce elle-même. Car sous le vernis plaisant de la comédie, derrière les volutes d’un lan-gage volontiers grotesque, derrière le faste du banquet final, la sauvagerie sommeille. Dès qu’Yvonne paraît, les insultes fusent, premiers hallalis d’une chasse mortelle dans laquelle Yvonne joue le rôle du gibier :


Vous savez, quand on vous voit, il vous vient des envies... des envies de se servir de vous : vous tenir en laisse par exemple et vous botter le train, ou vous piquer avec une aiguille, ou vous singer. […] Oui, il existe des êtres qui semblent faits pour irriter, exciter, rendre fou !
(Acte 1)


L’engrenage de la violence est en place, et la pièce se contentera de littéraliser les menaces con-tenues en réalité, dès le début, dans la langue elle-même. S’il y a gradation dans Yvonne, ce n’est pas dans la violence, mais dans la manière dont celle-ci s’incarne, dans la manière dont le fantasme encore contenu dans la parole la déborde pour devenir une réalité tangible, et terrifiante. L’onirisme ne déréalise pas la violence ici ; c’est au contraire la violence qui fait vaciller la réalité du plateau et la fait basculer dans le cauchemar.


Derrière le rire, donc, la violence déborde. De la langue, elle passe aux gestes ; de la scène, elle s’efforce de contaminer la salle. Une particularité de la pièce de Gombrowicz consiste ainsi à orchestrer, par le biais d’un public inséré dans les scènes, les réactions des spectateurs — et des réactions qui seront toujours des réactions d’agrément. Dans Yvonne, les spectateurs s’exclament, applaudissent : toujours ils acquiescent. Gombrowicz utilise ainsi la forme théâtrale, collective entre toutes, pour interroger la violence sous l’angle de notre participation, même tacite. Quel regard portons-nous sur cette violence-là ? De quelle manière en sommes-nous complices ? À quel prix s’achète notre silence ?


Quels échos, quelles différences entre le silence d’Yvonne et le nôtre ?

Vanasay Khamphommala

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