theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Vineta ou La République des Utopies »

Vineta ou La République des Utopies

mise en scène Lisa Wurmser

: La république de Vineta

Dans une vaste demeure délabrée et isolée de l’est de l’Allemagne, qui a longtemps servi pour on ne sait quel usage collectif, un certain nombre de personnages singuliers sont réunis en huis clos, à l’instigation et sous la férule d’un mystérieux Dr Leonhard. Dans cette « bulle » protectrice, qui se fissure tout au long de la pièce, sont réunis un « premier capitaine » de la compagnie Lloyd, un architecte berlinois, un ingénieur en bâtiment, le maire d’une petite ville, un responsable de ressources humaines, un manager à poigne. La mission qui leur a été confiée par une fantomatique « Delta sa » : associer leurs talents pour créer sur une île lointaine, située quelque part en mer du Nord et baptisée Vineta, une cité idéale, un parc à thèmes des rêves disparus.
Pourtant, dès le début, on s’aperçoit que rien dans cette histoire ne tourne rond, et que l’exacerbation des passions contradictoires des personnages, la confusion de leurs comportements, les conflits perpétuels qui les opposent sur la conception même de leur projet pharaonique, leurs empoignades drolatiques s’apparentant aux jeux de rôles des enfants, dissimulent une autre réalité. Celle-ci n’apparaîtra qu’avec l’éclatement de la « bulle », à la fin de la pièce…
Satire géniale de la manipulation politique ? Avatar absurde d’une thérapie de groupe new-age ? Règlement de compte tragi-comique avec les utopies sociales ? Fable sur le chômage et l’addiction au travail, sur une société qui s’effondre en entraînant ses habitants dans la folie ? Métaphore sur les illusions des idéologies ? La République de Vineta est tout cela à la fois. Mais cette histoire à dormir debout, au sens premier du terme ! où chaque réplique amène une nouvelle escalade dans l’absurde, s’avère souvent désopilante, mais aussi ironique et cruelle.


La légende de Vineta
Selon la légende, les cloches de Vineta étaient en argent pur et la prospérité sur l’île était si grande que les mères frottaient le derrière de leurs enfants avec des brioches ! Les bourgeois de Vineta menaient une vie si opulente, si riche et si méprisante qu’ils en furent punis. La ville fut engloutie aux confins de la mer Baltique, proche de l’endroit où se trouve l’ île de Usedom qui servit de base militaire secrète aux nazis et de lieu de villégiature aux travailleurs méritants d’Allemagne de l’Est. C’est là aussi que Moritz Rinke situe son histoire inspirée d’un fait divers récent en Allemagne.


Modernité
Écoutez, on peut imaginer qu’il existe vraiment une entreprise qui a des collaborateurs avec de très gros salaires dont elle n’arrive pas à se débarrasser parce qu’il coûterait plus cher de les mettre dehors que de continuer à les employer. Donc, ils ont créé un secteur spécial pour ces gens-là qui ne sont au courant de rien, qui planifient, font des choses, s’agitent. Simplement, tout ce qu’ils envoient dans le monde arrive dans un couloir d’attente et atterrit dans le bureau de la direction ; là on regarde si dans ces fax il y a quelque chose de sensé, et tout le reste finit dans la corbeille à papiers. Moritz Rinke


Moritz Rinke s’est inspiré de la thèse de Rifkin contenue dans son livre : La Fin du travail. Ses personnages, loin d’être des marginaux, sont des cadres supérieurs de divers secteurs professionnels. Or, ils craignent de perdre leur emploi, et pour cela n’arrivent plus à trouver le repos ; incapables de vivre sans travail, ils deviennent des « workalcoholics ». Les membres de cette véritable société anonyme d’égos masculins, Rinke les imagine finir dans un sanatorium où ils continueraient de travailler jour et nuit sous surveillance médicale.
Écrite en 2001, cette pièce drôle et émouvante nous fait toucher du doigt les limites du système. Le grand manipulateur qu’est le Dr Leonhard nous rappelle, en France, les stratégies et les plans de certaines entreprises qui, si elles suscitèrent parfois une grande résistance, conduisirent aussi à tant d’effondrements intérieurs et de suicides. Cette dimension très actuelle de la pièce passe par un théâtre où les mises au pas brutales et absurdes alternent avec des envolées joyeuses et délirantes, où le regard toujours très ironique de Moritz Rinke ne se départ jamais de tendresse et de poésie.

Lisa Wurmser

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.