Trois hommes. Un père, son fils, et un médecin. Le père, atteint d’une maladie dégénérative de la mémoire, est pris en charge par son fils. Le médecin, homonyme du célèbre psychiatre allemand Emil Kraepelin, prodigue au fils des pratiques thérapeutiques pour aider son père à renouer avec ses souvenirs.

Autour du trio, un autre protagoniste, fantomatique et crucial, la maladie d’Alzheimer.

Scènes muettes, images parallèles, scènes théâtrales où le fils incarne les divagations du père à la recherche de son passé, passant d’un rôle à l’autre ; tout concourt à stimuler une mémoire qui s’effiloche, un réel dont les frontières avec les fantasmes s’estompent.

Le médecin, avec ses prescriptions « comportementalistes », intervient de plus en plus, devenant metteur en scène des deux hommes ; exercices de prise de parole enregistrée puis filmée, scènes d’interrogatoire, évoquant tout à la fois les arrestations des temps de guerre, le tribunal, ou les émissions de télé réalité. Les zones obscures du père émergent, la guerre comme l’amour. Le féminin, fiancée, mère, bouscule ce monde masculin. La thérapie semble précipiter le père dans une chute libre.

La pièce procède alors à une sorte de bascule radicale et ultime, touchant tous les personnages, comme si l’on entrait définitivement dans le cerveau malade du père. Tout se disloque, se dérègle, perdant tout sens commun, ou plutôt, laissant apparaître en scène les images délirantes du psychisme de l’homme : le médecin se transforme en lapin, des fleurs volent comme les photos de l’album familial, Dieu écoute.

Le père peut se rendormir. Avant de mourir ?