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Variations sur la mort

+ d'infos sur le texte de Jon Fosse traduit par Terje Sinding
mise en scène Claude Régy

: Un autre principe de connaissance

Le mot sanscrit rasa (saveur) désigne, dans la tradition indienne, un principe supérieur de connaissance qui se situe au-dessus de la pensée, de l’entendement. En tout cas, cette notion diffuse semble envelopper l’entendement (objet à connaître et cerveau connaissant) comme si le corps tout entier, avec son esprit, ses sentiments et bien entendu ses organes des sens, particulièrement sollicités par telle ou telle rasa (saveur), participait à la connaissance.


Disons que la rasa englobe le concept et le dépasse.


Elle ouvre un chemin qu’elle est la seule à pouvoir ouvrir et que grâce à elle nous pouvons poursuivre.


Elle offre une autre porte, une autre manière de se glisser dans le lit secret du réel (l’image érotique est ici presque de rigueur).


On trouve au cœur du brahmanisme, et aujourd’hui encore, très vivace, chez les intellectuels indiens, cette idée d’une double force contradictoire qui anime l’univers, une force d’explosion et de dislocation, et une force d’unification qui tend à ramener le monde à son œuf initial. Cette seconde force, on l’appelle l’amour.


Donc c’est l’ardeur qui est essentielle.


L’ardeur et le désir ont créé tout le reste. Il est dit assez souvent que les dieux et les êtres vivants, sans exceptions, ne sont qu’une «création secondaire ».


Dans le très vieux combat entre la vie et la mort, ou plutôt, à l’échelle cosmique entre la survie et la destruction, les forces de la mort sont évidentes.


Elle les déploie tous les jours. Les forces de la vie sont plus secrètes et apparemment plus tendres, mais elles peuvent se montrer tout aussi impitoyables. La vie est capable de tuer, en toute froideur, sans aucune sentimentalité.


Un symbole fondamental est souvent représenté dans les temples : la tortue. Une carapace et quatre pattes qui dépassent, représentant les quatre points cardinaux. La carapace est le centre-soutien des mondes.


Sur cette carapace chacun peut placer la divinité qui lui convient, qu’il a choisie (il a le choix puisqu’on a compté jusqu’à trente-six mille forces divines) et regarder l’univers sous cet angle là. Chaque point de vue est ainsi différent. Les différentes relations établies avec les autres divinités, les autres fonctions, ou repères mythologiques, seront à chaque fois décalées, nouvelles.


L’extrême complexité du panthéon hindou permet une multitude de variations et chacune de ces variations doit présenter sa propre cohérence.


C’est le fameux point de vue indien.



D’après Conversations sur l’invisible,
Jean Audouze, Michel Cassé et Jean-Claude Carrière, Éditions Plon, Paris, 1996

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