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Utopia (After The Walls)


: Le Projet "After The Walls"

After The Walls (UTOPIA/DYSTOPIA) clôture la Trilogie des parenthèses. La question qui a traversé ce tryptique, et qui est reformulée dans chaque chapitre se pose comme ceci : comment l'individu intervient-il sur sa réalité pour survivre à son isolement ? A cette question s'était attachée, de manière évidente, la réalité de l'habitation, au sens général du terme. Les personnages se confondent à leur lieu de vie pour former quelque chose comme un monstre, fait de pierres et de chair, de meubles et d'idées, d'espoir et d'espace délimité.


Après avoir exploré, dans le premier volet, cette question dans le rapport à l'intime, et l'avoir élargie, au deuxième chapitre, à la cellule familiale, l'ouverture vers le collectif et la “société” dans son ensemble a formé les questions importantes qui ont mené à After The Walls (UTOPIA/DYSTOPIA). Or, quand on aborde ces questions, on arrive rapidement à la constatation que les décisions concernant l'habitation et la vie quotidienne dans celles-ci sont rarement prises par ceux-là même qui sont concernés. Une tension vive se crée entre les idées et la vie, entre la théorie et le concret, entre les rêves insués et les rêves réels. C'est cette tension qui circulera dans la double mise en scène du projet UTOPIA et de sa réalité DYSTOPIA.



L’IMMEUBLE


Si, dans une culture de molécules, vous faites avoisiner des substances ayant les mêmes particularités physico-chimiques, deux solutions s'orent au regard de l'observateur : soit l'une englobera l'autre et la digérera, soit une distance ou une répulsion s'exercera. Or l'architecture moderne a tenté de résoudre ce problème en se présentant tout à la fois, à travers le concept de fonction, comme une construction de l'espace égalitaire et comme la construction d'un espace de l'intime, singulier. Tous les mêmes et tous diérents. Dans le même bateau mais chacun chez soi. Cette tension a présidé à la mise en place d'un espace de concurrence généralisée qui a précédé le développement de la société de consommation. Tous les éléments de la vie sont rentrés progressivement dans l'âge industriel, la culture y compris. L'immeuble est cette projection où les idées viennent percuter la dureté du réel. Il est cette extension des personnes, greé par dessus elles, qui assigne la place des individus dans le monde, et à laquelle s'associe, dans le même temps et de manière équivalente, les manières de vivre et les rêves possibles. En s'occupant des corps, en formant leur conduite, il forme également l'âme et les possibles qui s'y déploient.


LE LOGEMENT COLLECTIF


Les grandes pensées utopistes, dont le modernisme architectural, ont fait émerger l'idée du collectif sans aspérité. L'égalité et la liberté (c'est-à-dire la concurrence et l'individualisme) s'y neutralisent. Toutes les fonctions de la vie quotidienne se voient prises en charge par des manières de faire qui sont issues de la standardisation industrielle, et qui visent en même temps à “libérer le temps”, c'est-à-dire à rendre disponibles et fonctionnelles les personnes sur le marché. C'est le rêve de la classe moyenne, dont le destin brisé se lit déjà dans la gestion actuelle des parcs HLM. D'abord, les rassemblements arbitraire et paciés se sont transformés sous le coup des déterminismes économiques. Le collectif se ssure une première fois en grands ensembles. Et à l'intérieur de ces grands ensembles, la machine de l'émancipation impossible fait son oeuvre. Le plus semblable devient l'objet même de la répulsion. Le plus proche devient ce contre quoi il faut désormais se protéger. L'immeuble collectif rassemble pour diviser. Il divise ensuite de telle manière que les personnes ne puissent plus échapper du lieu qui désigne en même temps le plus proche, et le plus diérent.


Dans After The Walls (UTOPIA/DYSTOPIA), le logement collectif représente la métaphore d'une société qui redécouvre, par les ssures, les trous dans les murs, et par la dégradation généralisée de son monde, la nécessité d'un collectif qui n'a plus le choix. La boucle est bouclée, mais la ligne de fuite sera forcément diérente.


L’HABITANT


L'habitant, dans cette perspective, est vu comme l'élément interchangeable d'un système général. La place doit être prise pour que la machine fonctionne, peu importe qui la prend. Il est cet être pour qui tout a été pensé à l'avance. En ce sens, tout ce qui pourrait le mettre en état d'éveil, ou mettre en action sa capacité d'imagination a été colonisé et déjà digéré. Par contraste, il n'est plus cet humain libre qui vient habiter un logement conditionné pour lui, il est cet être conditionné qui est un élément parmi d'autres de la machine à habiter, qui seule, semble exister en toute liberté, dans sa plénitude.


L’ARCHITECTE


L'architecte est celui qui, par sa fonction-même, représente le vecteur de la norme généralisée et standardisée. Il traduit dans son projet la place économique des personnes, les impératifs industriels, les manières assignées de vivre, et la forme du rassemblement contraint qui forme l'habitat collectif. Mais il n'est pas cet être doué de mauvaises intentions qui cherche à tout prix à dominer et déprimer les personnes. À l'inverse, il est persuadé de faire le bien car il trouve des solutions à des problèmes objectivés par le calcul et la mesure constante des choses. Il représente en somme le pouvoir d'une valeur qui, sous le masque de la vérité, contribue à fabriquer un monde qui s'impose sans négociation. Il est le démiurge d'une fable qui, à un moment, va commencer à bégayer, sans qu'il n'ait cette fois-ci le pouvoir d'en modier le cours.

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