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Une télévision française

mise en scène Thomas Quillardet

: Note d’intention

par Thomas Quillardet

Je suis, depuis quelques mois, en train d’écrire une pièce qui mêle la grande et la petite histoire. Celle d’un groupe de journalistes qui va vivre une révolution à la fin des années 80. Ils sont une petite dizaine au sein d’une des plus grandes rédactions de France. Ils ont des habitudes, ils ont entre 30 et 40 ans et vont vivre un raz de marée.


Mon histoire se situe à un moment précis : celui de la privatisation de TF1. Un matin, en conférence de rédaction, les journalistes apprennent que leur chaîne va être privatisée. Ils vont commencer par aller place de la République à Paris car « Mitterrand ne peut pas laisser faire ça. » Quelques mois plus tard, elle sera rachetée par Francis Bouygues. Il changera radicalement la manière de faire de l’information, renouvelle profondément le traitement de la politique, invente des formats et fait du plateau du 20h le passage obligé des grands de ce monde. Et il le transforme en usine à souvenir pour nous, spectateurs. La chute du mur, les élections présidentielles, la guerre du Golfe, la mort de Bérégovoy..., autant de moments gravés dans nos mémoires mais dont on ignore comment le traitement de ces informations a été pensé en interne. Ce sont ses rouages, par le biais de la fiction, que mon projet va tenter de mettre en valeur.


TF1 privatisé, est un événement quelque peu oublié mais qui a fait, en 1987, l’objet d’âpres discussions. L’achat de cette chaîne par Francis Bouygues a participé sans nul doute au dessin d’une nouvelle France, celle dans laquelle nous vivons maintenant. La privatisation de TF1 va entraîner un trouble idéologique entre la gauche et la droite, mais elle va surtout conduire à une course à l’audience et au sensationnalisme.


Sous nos yeux, une chaîne de télévision change de main et un monde bascule.


L’information selon TF1 (fondée en grande partie sur la peur, l’exagération du fait divers, la stigmatisation) nous influencera. Malgré nous. Et structure encore une certaine manière de penser l’information en France aujourd’hui. C’est cette bascule qui m’intéresse. Comment un groupe de journalistes, change, évolue et accompagne ou pas une stratégie. Comment cette mutation, ce changement d’époque leur a posé des questions, et comment ils ont dû prendre position face à leur nouvel employeur.


Je suis actuellement en phase de recherche. Je réalise des interviews des personnes qui ont vécu cette privatisation de près. Je replonge dans les débats vifs de l’époque. J’y découvre des potentiels de théâtre incroyables, des personnages, des situations, des forces narratives qui mêlent pouvoir, ridicule, tendresse, moments hilarants et d’autres douloureux car injustes ou cyniques. La pièce que j’écris comporte une part de théâtre documentaire, de reconstitution (l’audition de Francis Bouygues devant la CNCL - Comission nationale de la communicarion et des libertés -, la guerre que se livrent Mitterrand et Chirac pour influer sur TF1, des conférences de rédaction pour préparer les journaux télévisés par exemple...) mais aussi des souvenirs plus personnels. Car pendant qu’un patron du BTP met la main sur la plus grande chaîne européenne, un tout jeune journaliste (fil rouge de l’histoire) tente de vivre sa vie. Cette période devient le catalyseur de la naissance de sa sensibilité, de son rapport au monde.


Une télévision française fait le va-et-vient entre des consciences intimes qui s’ouvrent, et un rachat qui va tout au long des années imprimer et changer radicalement les consciences françaises.


  • Thomas Quillardet, janvier 2018
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