J’inscris dans la même rubrique, scénographie et lumières ; si la scénographie est la mise en scène d‘un espace donné, cet espace ou ces espaces vont être dessinés principalement par la lumière. On va s’orienter vers une lumière graphique qui découpera des zones de jeu très précises. Un éclairage très contrasté, pour faire exister les corps des acteurs, ensemble ou séparément.
Comme il n’y aura aucune représentation de Magnitski, sur scène, même en images ; j’aimerais qu’il existe une zone d’ombre, au centre du plateau, équivalente aux dimensions d’une cellule. Cette zone d’ombre, sera une zone désertée par les acteurs pendant une heure et dix-huit minute mais les aires de jeu ou de paroles s’organiseront par rapport à cette zone : un couloir de lumière par exemple ou des découpes rectangulaires de lumière, plaçant le comédien dans un espace donné.
L’espace de la représentation sera défini par l’espace scénique du théâtre dans sa globalité.
De simples panneaux disposés en arrière-scène délimiteront l’espace de jeu et permettront grâce au jeu des lumières de faire apparaître ou disparaître les acteurs comme s’ils étaient derrière les vitres de protection utilisées dans certains tribunaux.
Ces panneaux translucides (plexiglas) serviront également de support de projection pour annoncer les rubriques numérotées par les acteurs ou pour faire apparaître par intermittence l’affichage digitale d’une horloge.
Images
Le travail des images avec le photographe, ne seront pas des illustrations des propos tenus par les acteurs mais ouvriront d’autres espaces imaginaires. Peut- être, une vision plus intime ou onirique du cauchemar de Magnitski comme les détails d’une cellule. Elle permettront de voir les acteurs dans un autre espace- temps. Comme les lumières, ces images seront très contrastées, voir déformées comme dans un rêve ; elles défileront lentement et seront comme des bouts de scène.
Une piste à explorer serait de mettre en scène les personnages de la pièce dans une autre dimension, comme si ces personnages étaient transposés dans un drame shakespearien. Nous les verrions, comme si Magnitski les voyaient entre rêve et réalité, comme s’ils revivaient des scènes dans un monde parallèle, entre sa triste réalité et certaines scènes des drames de Shakespeare qu’ils auraient pu lire. Les pièces de Shakespeare empruntées à la bibliothèque…
L’espace ne sera pas encombré d’éléments scéniques, un siège pour le personnage de la mère qui va nous livrer son témoignage au début de la représentation ; pratiquement pas d’accessoires si ce n’est la bouilloire remplie d’eau bouillante réclamée par le juge.
Le procès a lieu au théâtre. La représentation de ce procès est théâtrale. Si le départ de la narration est sur un plateau de théâtre, le point de départ de la fiction est l’arrivée du juge au purgatoire ; enfer carcéral ou tribunal?
Sur le plateau du théâtre, tout devient plausible ; il faut faire coexister ces trois univers : prison, tribunal et enfer…
Dans tous les cas, il s’agit bien d’un huis clos avec le public et ce public devient un jury populaire et le spectateur endosse le rôle de juré. Certains rangs de fauteuils seront équipés de veilleuses afin de faciliter la lecture du livret remis à l’entrée du public ; afin que les spectateurs puissent lire (à la demande des acteurs), les rubriques concernant les personnages qu’ils interprètent. Rubriques qui rythment la représentation. L’espace du public sera éclairé par intermittence; il faudra lui ménager des pauses quand le spectateur focalisera à nouveau sur l’espace scénique.
La lumière va réunir l’espace des spectateurs et des comédiens qui sont sur le plateau pour favoriser une adresse directe du texte au public de telle sorte que l’espace du public ( les gradins) aura le statut de tribunal qui sera présent pendant une heure et dix-huit minutes..

Cécile Auxire-Marmouget