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Une chambre en Inde

Ariane Mnouchkine ( Mise en scène )


: (1) Le Mahabharta

Présentation par Jean-Ckaude Carrière (extrait)


Œuvre à la fois savante et populaire, Le Mahabharata est un des plus grands livres du monde. Il est en tout cas le plus long poème jamais composé. Écrit en sanscrit, il compte plus de cent mille stances. Il est environ quinze fois plus long que la Bible (p. 7).


Maha, en sanscrit, signifie « grand » et « total ». Un Maha-rajah est un grand roi. Bharata est d’abord le nom d’un sage légendaire, puis celui d’une famille, ou d’un clan. Le titre peut se comprendre comme la « Grande Histoire des Bharata ». Mais il faut ajouter que Bharata, par extension, signifie « hindou », et plus générale- ment « homme ». Il s’agirait donc de la « Grande Histoire de l’Humanité ». Ni plus, ni moins. En fait, comme on va le lire, ce « grand poème du monde » raconte principalement la longue et furieuse querelle qui opposa deux groupes de cousins, les Pandavas, qui sont cinq frères, et les Kauravas, qui sont cent. Cette querelle de famille, qui éclate et se développe à propos de l’empire du monde, s’achève par un immense combat qui met en jeu le sort de l’univers tout entier. ... Des ramifications multiples, parfois contradictoires en apparence, se succèdent et s’enchevêtrent sans que jamais se perde l’action principale, qui est une menace : nous vivons le temps de la destruction. Tout l’indique avec force. Cette destruction, peut-on l’éviter ? (p. 10)


Combat de Brima et du monstre Hidimba


Hidimba et sa sœur Hidimbi sont deux monstres Rakshasha qui viennent de découvrir les cinq frères Pandavas endormis dans la forêt. Hidimbi est tombée amoureuse du puissant Bhima et se métamorphose en femme pour lui plaire. Son frère décide d’affronter Bhima. Ils s’affrontèrent d’abord du regard et de la voix. Le démon tournait autour de Bhima en lançant toute une série de cris de combat, qui faisaient trembler les arbres et s’enfuir les oiseaux de nuit. Draupadi, Yudishsthira et les jumeaux se tenaient à l’écart, serrés les uns contre les autres. Ils ne pouvaient être d’aucune aide dans la bataille qui se préparait.


– Oui, hurle ! disait Bhima. Je vais coudre ton horrible gueule et dans un moment tu ne crieras plus !
– Et moi je vais te dépecer ! criait le Rakshasha. Je vais t’ouvrir le ventre ! Je sucerai ta moelle ! Je croquerai les miettes de tes os !


Ils se jetèrent l’un sur l’autre. ... Ils s’insultèrent, se frappèrent, se poursuivirent, se blessèrent, se perdirent, se rattrapèrent. Autour d’eux le sol se fendait et les arbres se fracassaient ; Bhima ne pouvait parvenir à saisir le monstre dans ses bras pour l’étouffer, en l’arrachant au contact de la terre. Il s’épuisait, le souffle lui manquait, son sang s’échappait. À plusieurs reprises le Rakshasha l’avait mordu, déchirant des morceaux de sa chair. Il s’affaiblissait au fil de la nuit.


Vers la fin de la nuit, Hidimbi, qui suivait la bataille avec passion, dit à Bhima :
– C’est juste avant le jour que les Rakshashas ont le plus de force ! Soulève-le de terre ! Étouffe-le ! Maintenant !


Alors que le Rakshasha s’élançait pour la centième fois vers lui, les dents et les griffes luisantes, Bhima se souvint brusquement d’une des feintes que Drona leur avait apprises. Au lieu de faire face, il s’écarta soudain, tendit une jambe, le démon trébucha, Bhima le reçut dans ses bras ouverts, le souleva de terre avec un cri :
– Je vais rendre le bonheur à ce bois !


Les bras et les pattes du monstre s’agitaient dans l’air avec désespoir. Il exhalait un souffle amer, de plus en plus rare. Bhima serra son corps de toutes ses forces immenses. On entendit des os craquer, un long sifflement sortant d’une gorge qui se fermait, les membres cessèrent de battre et retombèrent, inutiles, inertes. La mort, présente dans les bras de Bhima, accomplissait son œuvre avec ténacité.


Quand il le sentit mort, Bhima jeta le démon sur le sol. Les autres frères s’approchèrent pour assister de près à ses dernières convulsions.


(p. 108-109) Le Mahabharata de Jean-Claude Carrière © Belfond, un département de Place des Editeurs, 1989

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