: Mot de l'auteur
Nous connaissons les contes du Moyen Âge français, les fabliaux, que presque
toujours des affabulatrices très adroites répliquaient. Dans le Boccace ce sont
les femmes qui tiennent le jeu du Décaméron (…) : ce sont elles qui prennent la
parole plus souvent que les hommes, pour le récit cyclique des nouvelles. Et presque
toujours, les histoires racontées par ces demoiselles sont plus drôles et provocatrices,
surtout sur le plan de l’érotisme, que celles des hommes.
Dans Une femme seule, comme dans le monologue de Nous avons toutes la
même histoire, il y a (…) la séquence d’une femme qui mime un rapport sexuel
avec son homme. La femme se plaint de la fougue et du manque d’affection de
son partenaire. Elle joue sa déception, une dispute explose… Ensuite, les deux se
réconcilient et reprennent à faire l’amour. (…) Il m’est arrivé d’assister en plusieurs
occasions à la représentation du même monologue par beaucoup de comédiennes :
anglaises, finlandaises, suédoises, françaises, allemandes, américaines… (…) Entre
elles, il y en avait quelqu’une (…) ui jouait avec mesure et équilibre aussi ; mais la
plupart forçaient les tons et, dans le souci de rester réels, on soulignait chaque geste
par des accents d’un naturalisme plutôt désagréable. Elles pliaient les hanches,
bondissant après avec le pubis, par des coups tout à fait capables d’écraser le sexe
en bronze d’un des guerriers de Riace ; ou bien elles esquissaient, étendues sur le dos,
des danses du ventre. (…) Il n’est pas dit que le public ne s’amusait pas, mais les rires
qui éclataient gâtaient soit la progression théâtrale soit la valeur du personnage.
La tendresse, les sentiments délicats (…) restaient au pied de la lettre fauchés par
cette pantomime osée, pardon, victime d’une fessée. Ce n’est pas une question de
pruderie. Je suis d’accord avec autant de femmes qui luttent pour qu’on se libère, une
fois pour toutes, des stupides inhibitions sexuelles qu’on nous a inculquées pendant
des années, mais j’y voudrais arriver toujours, même dans l’action de baisser mon
caleçon, avec un minimum de style.
Dario Fo, Manuale minimo dell’attore, 1987-1997, Giulio Einaudi Editore
(traduction Gabriella Merloni)
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