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Una costilla sobre la mesa : Padre (Une côte sur la table : Père)

mise en scène Angélica Liddell

: Rendre visible l’invisible

par Angélica Liddell

Prenant pour point de départ l’essai de Gilles Deleuze Le Froid et le Cruel. Présentation de Sacher-Masoch, la fille affronte la mort du père et le problème de la ressemblance. Grâce à cet acte masochiste avec le père biologique dans l’antichambre de la mort, la fille devient une mère christologique (Marie), et endosse le rôle d’un bourreau paradoxal, car le châtiment a pour bénéfice la connaissance et la beauté, dans un parcours cruel menant du corps massacré par la vieillesse à une mystique noire, à la contemplation d’un dieu peut-être inexistant mais, au bout du compte, fantôme obsédant.
Ainsi la fille devient chasseuse d’ours, de loups et d’agneaux, la fille-mère-bourreau satisfait à la vision masochiste du monde et signe le contrat avec le père, qui n’est rien d’autre qu’une métaphore de la faute originelle culminant dans l’esthétique. Le parcours débute par le corps, se poursuit avec les idées, touche au sublime dans l’art et, finalement, culmine en Dieu. En d’autres termes, il s’agit d’un cheminement vers le mystère.
La quête de l’idéal et du beau trace un chemin marqué par une cruauté représentée, qui permet de penser l’irreprésentable. Le masochisme est donc un acte purement spirituel, issu du dilemme entre la matière et l’âme, entre la caducité du corps vivant (le beau naturel) et l’éternité du beau (le beau artistique, selon Hegel), une quête transcendante à travers la sexualisation rituelle de la mort – en effet, comme l’affirme Deleuze, on désexualise l’amour pour sexualiser la mort –, un désir d’expiation et de châtiment qui abjure la ressemblance avec le père (le créateur), juste-ment pour la réaffirmer, et pour réaffirmer l’infinie solitude face à ce qui ne peut être démontré, atteint ou compris ; alors tout se concentre sur le silence de Dieu, sur la ressemblance entre l’objet et sa représentation esthétique, la ressemblance entre le père et le fils.
À l’heure de notre mort, nous sommes tous des fils. Cette pièce est une vaine tentative de rendre visible l’invisible, l’inintelligible. Un ordre lunatique sous lequel coule le fleuve de l’angoisse et le besoin d’être aimé. La véritable liberté émane de l’acceptation de l’esclavage. Le masochiste, à sa façon, en inversant la relation douleur-plaisir, ne reconnaît pas la loi des Hommes, instaure la loi mythique, brise le contrat masochiste établi par Dieu en signant un contrat sur terre. La réalisation de la raison, nous dit Hegel, est tragique, ainsi que nous l’enseigne le sacrifice du Christ.


  • — Angélica Liddell, novembre 2019
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