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Una costilla sobre la mesa : Madre (Une côte sur la table : Mère)

mise en scène Angélica Liddell

: Enterrer la terre

par Angélica Liddell

Moi, ce que je veux, c’est enterrer la terre, maman, enterrer la terre, t’emmener jusqu’à la terre où tu es née et l’enterrer, d’abord griffer la terre, soulever la terre entre mes ongles, puis l’enterrer, même la terre doit être enterrée. Ça, et pisser du sang. Enterrer la terre et pisser du sang sur la terre enterrée et sur la tombe jaune des chèvres. Et avant de t’enterrer, couper tes belles mains de démente, et me fabriquer un râteau avec tes mains, et enterrer la terre avec tes mains coupées. Moi, ce que je veux, c’est enterrer la terre pour pousser comme un figuier au-dessus de ta mort, et regarder le ciel en train de se pendre et, après avoir brisé l’échine des houes, les enfoncer pour toujours dans ma tête de mercure et ainsi trépaner les amen au creux de mon front.
Ce que je veux, c’est enterrer la terre en poussant la terre avec ma nausée jusqu’à ce que la lumière pourrisse, et être aidée par l’amertume tenant un fœtus étranglé dans chaque main, être accompagnée par un chœur de chiens aveugles enchaînés. Ce que je veux, c’est que les louves soient engrossées par les saints, et enterrer des louves enceintes pour qu’une portée d’avortons hurle sur toi depuis l’enfer. Ce que je veux, c’est enterrer la terre pour que les racines se retrouvent à ronger leurs propres entrailles. Et si par miracle l’espoir survivait à la nuit, alors la terre serait aussi enterrée par l’espoir.
Ce que je veux, c’est enterrer la terre en traînant ma barbe blanche constellée de jasmin et de scorpions. Ce que je veux, c’est enterrer la terre pour agrandir la maison du diable. Ce que je veux, c’est que les pierres s’échappent de la terre enterrée, qu’elles déploient les flammes vertes de leurs ailes pour aller s’écraser contre le visage de Dieu. Ce que je veux, c’est enterrer mes forces avec la terre, et enterrer la terre avec la parole à l’intérieur, et ainsi revenir à l’indicible, en commençant par le soleil. Et qu’explose la voûte de la fin du monde. Et commencer à vivre comme si je n’étais pas née.
Que ferai-je pour marcher sans ton pardon sur la terre enterrée ? Si je dois rester en vie comme le bouquet de fleurs contre le courant du fleuve, comme le poisson immobile au beau milieu de l’eau, comme le crapaud à l’intérieur du pain, si l’on ne peut pas tuer une mère morte.


  • Angélica Liddell, Una costilla sobre la mesa
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