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Un vivant qui passe

mise en scène Eric Didry

: Présentation

Nicolas Bouchaud revient au Théâtre de la Bastille avec Un vivant qui passe, adapté du film du même nom de Claude Lanzmann. Une pièce sur la banalité du mal, la haine de l'autre, l'acte de montrer et celui de voir.

Depuis 2010, Nicolas Bouchaud crée régulièrement des spectacles à partir de textes non théâtraux (une interview de Serge Daney à propos du cinéma, un livre de John Berger sur un médecin de campagne, une conférence du poète Paul Celan, un roman de Thomas Bernhard sur notre rapport à l’art et au deuil). Il s’empare cette fois d’Un vivant qui passe, documentaire de Claude Lanzmann réalisé à partir de rushes non utilisés dans Shoah. Dans celui-ci, les déportés et les soldats nazis restent hors-champ et ce qui est donné à voir est le face-à-face entre le réalisateur et Maurice Rossel, délégué de la Croix-Rouge internationale pendant la Seconde Guerre mondiale, qui, en « visite » à Auschwitz et à Theresienstadt, s’est retrouvé par deux fois au cœur du système d’extermination nazie et affirme n’en avoir rien vu.


C’est en partant à leur tour des rushes d’Un vivant qui passe que Nicolas Bouchaud et ses complices habituels, Éric Didry et Véronique Timsit, se plongent dans cette adaptation. Avec la volonté de réactiver l’Histoire à travers le témoignage de cet homme, ni bourreau, ni victime, qui « est d’une certaine façon celui que nous pourrions tous être ou que nous avons peut-être déjà été » comme le souligne Nicolas Bouchaud. Dans les réponses de Maurice Rossel se dessinent en effet des zones complexes et troubles, celles où l’antisémitisme et la haine de l’autre guettent en embuscade, mais aussi celles des présupposés qui fondent l’acte de voir.


Grâce au sens aigu dont fait preuve Claude Lanzmann pour mener un entretien et faire dérailler le discours jusqu’à ce que surgisse l’arrière-plan d’un paysage et d’une pensée, le dialogue se fait combat, entre un homme qui ne parle qu’avec réticence, et un autre qui avance pied à pied pour faire surgir la parole, comme un metteur en scène face à un acteur. Car le théâtre est ici partout : dans la confrontation des deux hommes, mais aussi dans les paroles de Rossel sur lui-même, et dans la visite qu’il fit à Theresienstadt, ce camp de transit qui servit à faire croire que les Juifs étaient bien traités alors qu’ils interprétaient sous l’œil des visiteurs une comédie macabre, avec la terreur d’être exécutés au moindre faux pas. En confrontant le témoin au souvenir de cette visite, c’est donc l’acte même de la mise en scène qui est interrogé. Quelle différence y a-t-il entre celle qui se met au service du mensonge et de la propagande, et celle qui cherche la vérité ? Et que voit-on, quand on regarde ? Ces lignes de tension troubles, effrayantes, sont au cœur d’Un vivant qui passe.

Laure Dautzenberg

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