Il·elle·s sont uni·e·s par des liens de filiation, par des liens amoureux pour certain·e·s, par des liens de tendresse et d’amitié, par des liens plus obscurs aussi, plus anciens, qui ont tissé leurs histoires respectives et communes, les ont aussi tenus parfois éloignés longtemps pour certain·e·s. Ils sont liés aussi, inconsciemment, par ce qu’ils portent des histoires de celles et ceux qui les ont précédés, vivants ou morts, présents ou absents, de ces histoires connues ou pressenties qui ont dessiné les lignes de leurs destinées.

Ce petit groupe d’humains concentre donc un siècle de notre histoire, comme n’importe quel petit groupe d’humains si on prend la peine de s’y attacher, de s’en approcher assez près, pour pénétrer les histoires qui les constituent. Ce petit groupe réunit trois générations : de tout jeunes adultes, des cinquantenaires et des gens plus âgés nés aux alentours de la seconde guerre mondiale ou avant. Et ils portent en eux d’autres humains, dans leurs mémoires, dans leurs gênes, dans leurs origines.

Ils se retrouvent durant ces quelques jours, réunis tous ensemble peut-être pour la première fois dans ce lieu qui est pour chacun et chacune un lieu repère, autour de cette femme qui est pour chacune et chacun une figure repère. Ils vont devoir se confronter à la disparition annoncée de l’une d’entre eux, de l’accompagner au mieux, de se montrer dignes de l’invitation à ce dernier repas. Et qu’importe si le repas doit durer plusieurs jours.

Il n’y aura pas de règlements de compte. Il ne s’agit pas d’une pièce de règlements de compte. Ils n’ont pas d’aigreurs, d’amertume, ils sont loin des ricanements et du cynisme. Ce n’est pas le temps de ça, face à la mort attendue d’une des leurs. Sans doute des choses importantes seront dites, de ces choses qu’on n’a jamais dites, parce que ce n’était jamais le bon moment. Et là ça l’est, le bon moment.

Ils sont pudiques aussi. Trop parfois. Et maladroits. Et idiots ou démunis. Emportés. Avec de vieilles colères, de vieilles souffrances, de grandes fatigues pour les plus âgés et de grands espoirs, de grandes colères, de grandes sagesses pour les plus jeunes, qui se cognent aux vieilles colères et désillusions et sagesses ou folies des plus âgés.

Entre ce 20e siècle qui finit et ce 21e siècle qui s’ouvre, entre ces vies qui commencent et ces vies qui ont parcouru la quasi totalité de leur chemin, qu’est-ce qui s’échange, quels espoirs encore, quel désir de vie encore, quels horizons ?

Au bout de ce récit il y a la mort. Mais elle est au bout de tout, donc n’en faisons pas tout un plat. Ce ne sera pas un drame, pas une tragédie. Une comédie légère et grave à la fois, tissée de vies humaines.